Une tribune de Thomas Hindré, VP EMEA de Fluent Commerce
Reconnaissons que le retail traverse une période complexe. Sans perspectives économiques claires, les marques naviguent à vue, échaudées par les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement dont les conséquences sur les opérations ont été, bien trop souvent, sous-estimées. Elles n’innovent plus – ou quasiment plus – et reportent leurs projets. De fait, depuis deux ans, c’est la non-décision qui prévaut. Quelques signaux laissent entrevoir un mieux pour ce premier semestre. Mais en l’absence de visibilité, les DSI se posent la question : comment lancer des projets, continuer d’innover, rester attractif auprès des jeunes talents ou répondre aux exigences métiers avec des budgets limités ?
Innovation : entre immobilisme et investissement minimal
Le cabinet Gartner pointait récemment du doigt le fait que 81% des conseils d’administration n’ont pas accompli les progrès ou atteint les objectifs relatifs à la transformation digitale. Contraints de justifier les investissements technologiques passés, pressés par les attentes nouvelles (autour de l’IA en particulier), les DSI restent sous pression. Ils perdent même la main en termes d’investissement quand le prix redevient un critère primordial. Le CFO s’impose alors comme un interlocuteur présent et incontournable des négociations au moment d’étudier la viabilité d’un projet. Et dans l’ensemble, les marques se montrent bien plus protectionnistes, passant d’une approche « plus vendre et mieux vendre » à une stratégie autrement plus rationnelle, dans laquelle elles vont privilégier l’immobilisme, ou un simple « upgrade » s’il est suffisant, à l’acquisition d’une nouvelle solution logicielle.
Comment aligner les objectifs des DSI et ceux des responsables Supply Chain ?
Les diverses perturbations des chaînes d’approvisionnement ont mis à nu les vulnérabilités du système. L’introduction annoncée de la taxe à l’exportation aux USA pourrait remodeler le commerce international. Tirant les fruits des erreurs passées, les détaillants cherchent désormais à trouver un bon équilibre entre pénurie et excès, tout en favorisant, là où c’est possible, de nouvelles stratégies d’approvisionnement s’appuyant sur des chaînes régionales, afin de réduire la dépendance vis-à-vis de l’Asie.
Jusqu’à présent, pour éviter d’investir dans de nouvelles solutions, les retailers ont sollicité leur ERP déjà en place – dont ce n’est pas le rôle – pour gérer au mieux stocks et commandes, au risque de manquer d’agilité et de flexibilité sur un plan métier, d’augmenter la dette technique et d’amputer le revenu net et le chiffre d’affaires sur un plan financier.
En attendant des jours meilleurs, 3 pistes peuvent être envisagées pour apporter de la valeur aux métiers et soutenir l’activité de la marque.
Piste 1 : mieux utiliser ses stocks pour améliorer la rentabilité
Les responsables de la Supply Chain étudient de nombreux indicateurs et se focalisent sur les plus importants. Certaines thématiques, qu’ils jugent parfois moins prioritaires, comme celles liées à l’OMS, restent alors dans l’escarcelle du DSI.
Aux côtés des métiers, les DSI vont établir, modéliser et prioriser les scénarios critiques à résoudre. Charge ensuite à la DSI d’y apporter une réponse rapide, sans rentrer dans des projets tunnels souvent longs.
La mise en œuvre d’un projet OMS s’avère en cela moins risquée – et plus rapide – qu’un projet e-commerce. Bien entendu, une approche data-driven sera essentielle pour maximiser la stratégie de l’entreprise. Mais l’OMS n’a pas besoin de tout le contenu d’un PIM (Solution de gestion des informations sur les produits) et d’un CMS (système de gestion de contenu) qui alimente une plateforme e-commerce (visuels, informations produits etc). Si bien qu’il sera possible en l’espace de quelques semaines, voire quelques mois – et à moindre coût – de déployer des projets à forte valeur ajoutée. Ces projets pourront par exemple, permettre de réduire les stocks excédentaires afin d’éviter de mobiliser du capital et devoir augmenter les coûts d’entreposage ; ou d’améliorer la visibilité des stocks afin de réduire les erreurs, les ruptures ou le surstockage.
Piste 2 : affiner l’usage des données
Mine d’information encore sous-exploitées, les données se révèlent indispensables pour faciliter le ciblage et améliorer l’efficacité des campagnes. Une enseigne peut par exemple utiliser les données de ventes en temps réel couplées aux prévisions météo pour ajuster ses niveaux de stocks. Elle sera ainsi en mesure d’anticiper une vague de froid et donc une plus forte demande sur les manteaux et les accessoires chauds, ce qui lui permettra d’éviter les ruptures de stock et de maximiser ses ventes.
Aux données internes s’ajoutent les données externes, provenant de fournisseurs ou de partenaires. Prenons le cas des marketplaces, telle que Farfetch : une marque de prêt-à-porter peut analyser les données de navigation et d’achat issues d’une marketplace pour identifier les produits les plus consultés et ceux laissés dans les paniers sans finalisation d’achat. Ces informations lui permettront alors de lancer une campagne publicitaire ciblée avec des offres spécifiques sur ces articles, augmentant ainsi son taux de conversion.
En se connectant avec une marketplace, l’OMS partage ainsi des informations en temps réel sur la disponibilité des stocks : en exploitant ces données existantes, il permettra la formulation d’une promesse client fiable, et donc l’augmentation du taux de conversion. Par ailleurs, il offrira aussi la possibilité de détecter les produits qui ont le plus de succès selon les régions, de comprendre quels sont les articles les plus plébiscités, ou bien ceux qui ont le plus grand taux de retour.
La DSI doit faire valoir sa capacité à intégrer, gérer, traiter et analyser ces données, trop souvent encore réparties en silo, afin de proposer des informations unifiées, pouvant être exploitées au service de l’amélioration de l’ensemble des processus de l’entreprise… à commencer par la supply chain.
Piste 3 : définir des modèles plus durables, tournés vers l’avenir
Face aux défis et mutations majeures mondiales, la supply chain doit se réinventer. De nouveaux modèles – en particulier plus sobres et plus durables – doivent soutenir les ambitions des entreprises décidées à évoluer vers des flux et des processus qui répondent aux enjeux actuels. Qu’il s’agisse de produire et de transporter mieux, de stocker moins, de concevoir des écosystèmes collaboratifs, de créer des modèles circulaires pour recycler, la DSI doit prendre sa part dans la conception d’une nouvelle Supply Chain.
Il s’agira alors de tendre vers une Supply Chain digitalisée, encore plus résiliente et agile, capable d’anticiper les besoins et les risques. Une étude de Gartner prévoit que d’ici 2025, 50 % des entreprises auront recours à l’IA pour améliorer la gestion de leur logistique.
Enfin, les préoccupations environnementales et les attentes des consommateurs pousseront les entreprises à adopter des pratiques plus durables, s’inscrivant dans le cadre d’un programme ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). Cela inclura notamment l’optimisation des transports pour réduire la consommation de carburant.
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