La tribune de Tania Oakey, directrice marketing retail de Cegid.
Si en 2020 les revendeurs ont dû faire face à de nombreuses difficultés et relever de nombreux challenges avec la crise sanitaire et économique liée au Covid-19, l’année 2021 sera elle aussi pleines de défis.
Depuis presque un an, la crise sanitaire et économique est venue perturber notre quotidien. Dans le retail, cette crise a été un véritable accélérateur de tendances, faisant bondir l’e-commerce, ou révélant l’absolu nécessité de disposer en magasin de services digitaux comme le « click & collect ». Autrement dit, être omnicanal n’a jamais été aussi impératif. Même si les ventes sur internet se sont développées durant la crise, le point de vente physique demeure le canal préféré des consommateurs, aussi bien pour aller retirer une commande que pour effectuer des achats. Il revient en revanche aux enseignes de rendre leurs magasins désirables malgré le déploiement des protocoles sanitaires. Cela passe par l’humain et la capacité des équipes de vente à répondre aux demandes des clients, que ce soit pour un simple renseignement, pour un achat, pour retirer un colis ou au contraire expédier la marchandise. En effet, si le digital continue de progresser, la présence de l’humain est l’élément qui permet le meilleur taux de transformation de l’acte d’achat.
Preuve en est, les premières opérations de live streaming qui ont eu lieu en France, un procédé permettant une visite virtuelle en live du magasin, ont dopé les ventes jusqu’à 300 % à 400 % chez certaines enseignes comme Leroy Merlin ou Fnac Darty. Des chiffres particulièrement attrayants pour des enseignes et marques qui doivent absolument maîtriser et optimiser leurs coûts de fonctionnement et ceux de leur transformation digitale.
L’économie circulaire s’impose
D’après Kantar, entre septembre 2019 et septembre 2020, 29% des Français ont acheté des vêtements, des chaussures ou des accessoires d’occasion. Soit 10 points de plus qu’en 2018. Si Leboncoin ou Vinted sont des précurseurs dans le domaine, beaucoup de marques et d’enseignes spécialisées n’ont pris ce virage de l’occasion que récemment. La Redoute, Aigle, Promod, Kiabi, Bash, Zalando, Veepee ou encore Cdiscount, veulent tous prendre une part de ce marché estimé à un milliard d’euros. Les distributeurs comme Auchan ou Carrefour nouent même des partenariats avec Patatam, un spécialiste de la seconde main pour le textile. Cette percée de la seconde main se retrouve dans d’autres catégories comme les produits high-tech ou électroniques. Back Market ou Recommerce voient leurs ventes progresser chaque trimestre. Dans le monde du sport, Decathlon expérimente la revente de produits d’occasion, mais aussi de location. Cette tendance va de pair avec la seconde main, certains consommateurs n’ayant plus « besoin » de posséder des articles. Le mode locatif leur offre plus de flexibilité, tout en ne leur donnant pas le sentiment de « surconsommer ».
Seconde main et location de produits sont deux offres qui devraient prendre encore plus d’ampleur dans les années à venir. D’une part, parce que le pouvoir d’achat est en baisse, ou devrait encore baisser, avec la crise sanitaire qui provoque une crise économique. D’autre part, parce que la prise de conscience environnementale des consommateurs qui cherchent à mieux consommer gagne aussi du terrain.
Les marques doivent s’engager à développer leur communauté et promouvoir
le “Made in France”
«Je suis ce que je consomme». Ce postulat est adopté par de plus en plus de consommateurs qui n’hésitent pas à adapter ou modifier leurs achats en fonction des engagements des marques et enseignes. Ainsi, tout scandale lié à l’environnement ou au gaspillage pourra être lourdement sanctionné.
Par ailleurs, le confinement a contribué à renforcer le « made in France » et l’achat de produits locaux, les Français s’accordant de plus en plus à « consommer local » ou dans les commerces de proximité.
Un nombre majoritaire de Français envisagent ainsi désormais de consommer de façon différente et plus responsable. Les enseignes doivent impérativement se poser la question des valeurs qu’elles veulent transmettre et les revendiquer. L’exercice se révèle complexe car ces prises de position peuvent être clivantes, mais il est nécessaire pour fédérer une communauté. Qui, en échange, sera plus que jamais fidèle à la marque ou à l’enseigne.
L’omnicanal, encore et toujours
L’année 2021 sera omnicanale ou ne sera pas. Si le sujet n’est pas nouveau, il revêt avec la crise sanitaire et économique une importance capitale. Ainsi, les services digitaux ne sont plus une option mais une nécessité.
Les enseignes qui avaient du retard sur le sujet ont été lourdement sanctionnées durant les récentes périodes de confinement. Sans vision en temps réel des stocks magasin, impossible de proposer des services de « click & collect » ou de « ship-from-store« . Résultat, les magasins ont dû tout simplement baisser leur rideau, sans possibilité de revenus.
Au-delà des services, les revendeurs doivent également faire preuve d’agilité entre les canaux et gommer les éventuelles frictions dans leur parcours client. Là aussi, il ne s’agit pas d’une nouveauté mais l’enjeu reste toujours aussi déterminant. Tout frein rencontré dans le parcours client sera sanctionné par un départ du consommateur. Une grande majorité des consommateurs indiquent qu’ils ne reviendront pas chez un revendeur s’ils ont eu une mauvaise expérience d’achat, que ce soit en magasin ou en ligne.
Vers des magasins « couteaux-suisses »
Les crises sanitaires et économiques constituent des accélérateurs de tendances. Et parmi les mutations qui se sont accélérées, figure la transformation du magasin. Avec la montée de l’e-commerce, les boutiques ont, elles aussi, un rôle à jouer pour satisfaire les clients web, au travers du « click & collect » et du « ship-from-store ». Les équipes en magasin doivent d’ailleurs être formées à ces nouvelles pratiques qui les amènent à réaliser du « picking » en magasin et à préparer des colis. Les « dark stores » – magasin ou entrepôt dans lequel les employés, »les pickers », arpentent les allées à la place des clients pour préparer leurs commandes – émergent également et permettent d’implanter les stocks au plus près des clients pour accélérer ainsi les délais de livraison.
Enfin, c’est l’organisation et l’agencement des magasins qui doivent être repensés. Les caisses et leurs larges comptoirs se font plus rares au profit de pôle de services et d’outils mobiles entre les mains des vendeurs. Le niveau des stocks baisse et les articles sont mieux exposés. Le digital permet de pallier cette diminution des références disponibles en point de vente puisque les vendeurs peuvent facilement commander une taille ou un coloris manquant. Et l’espace gagné en magasin permet de laisser la place à des zones d’expérience autour du produit ou en écho aux engagements de la marque.
Vers des employés ambassadeurs
Longtemps, les équipes en magasin ont été les grands oubliés de la transformation digitale. Ce sont pourtant eux qui sont en première ligne puisque leur rôle et les outils qu’ils utilisent évoluent. Les marques et enseignes l’ont désormais bien compris et l’e-learning s’impose pour s’assurer que toutes les équipes de ventes disposent de la bonne formation.
Par ailleurs, les vendeurs, grâce au déploiement des outils de mobilité, disposent désormais d’un grand nombre d’informations sur la marque, les produits et les clients.
On entre enfin dans une nouvelle ère où le vendeur devient un réel ambassadeur de la marque, un animateur de communauté. Cela s’explique par la montée des réseaux sociaux et l’avènement du commerce social. Les enseignes et marques s’emparent ainsi du live streaming à l’instar des Galeries Lafayette. Les « personnal shoppers » du magasin Haussmann ont ainsi répondu durant les périodes de confinement aux demandes des clients en vidéo. Les cabines d’essayage ont été aménagées et les produits vivement éclairés pour être bien visibles en vidéo. Tout le défi réside dans la bonne formation du personnel et la mise en place d’un nouveau parcours d’achat à distance sécurisé.
Répondre à la demande du sans contact et des achats « quick & go »
La crise sanitaire et économique a, enfin, fait émerger le besoin d’un shopping sans contact, mais qui n’est pas forcément pour autant un achat e-commerce avec une livraison à domicile. Le magasin a toujours une place à part dans le cœur des consommateurs. En revanche, ces achats doivent pouvoir se faire rapidement, en mode « quick & go ». Cette approche rappelle immédiatement les magasins Amazon Go où le client s’identifie, prend un produit et sort. En France, Black Box de Monoprix ou encore Boxy ont repris ce concept mais uniquement pour le commerce alimentaire. Dans le textile ou encore la bijouterie, cette approche « quick & go » s’est traduite par la création du service « ask & collect ». Le principe ? Depuis une vitrine ou en appelant un magasin, les clients peuvent commander leurs articles et se faire livrer à domicile, ou bien les récupérer en point de vente dans les heures qui suivent.
La recherche d’un achat rapide et sans contact a aussi des conséquences sur la caisse et sur la façon de payer ses achats. Ainsi, le paiement sans contact a explosé en 2020. D’une part, parce que le plafond maximal a été relevé de 30 à 50 euros. D’autre part, parce qu’il a été encouragé chez de nombreux distributeurs afin de limiter les interactions physiques.
Dans certains secteurs tels que le luxe, le « pay by link » – une solution qui permet de créer des liens de paiement en toute sécurité, afin de les envoyer aux clients par e-mail ou encore via les réseaux sociaux – est également en forte hausse. Dans le même esprit, mais également pour permettre de limiter les files d’attente, l’encaissement mobile, par un vendeur ou par le client lui-même en toute autonomie, représente également un atout.
Leave a Reply