Les places de marché B to C sont un canal stratégique pour les marques. C’est ce que démontre une récente étude menée par le spécialiste du secteur Mirakl et par la plateforme The Agent, en partenariat avec le cabinet de conseil en stratégie Roland Berger.
Le succès qualifié de fulgurant des marketplaces « modifie durablement l’écosystème de la distribution » selon leurs observations. Mais pour réussir les marques doivent développer rapidement de nouvelles compétences qui ne sont pas forcément dans leur cœur de métier.
Dans le monde, le marché est déjà dominé par les grands acteurs que sont Taobao, Amazon, Tmall, JD.com et eBay. Ces modèles qui peuvent être hybrides avec de la vente en gros et en direct, représentent plus de 50% de la valeur brute des marchandises (GMV) vendus en ligne. « Ils ont vu la vague arriver et surfent maintenant dessus avec succès » observent les auteurs de l’étude, notamment Gaëlle De La Fosse, partner chez Roland Berger.
L’Asie représente le marché le plus mature. Près de 70% des achats en ligne se font sur les marketplaces, contre environ 45% aux États-Unis. En Europe, le taux de pénétration varie de 25% en France à près de 40% au Royaume-Uni. Fait intéressant, aucun acteur européen n’a été en mesure de dominer son marché local, constate le rapport.
« La recette secrète pour réussir comprend trois ingrédients : le trafic, les services et les données pour améliorer la satisfaction des clients ».
Les grands opérateurs des places de marché B to C généralistes continuent de gagner en puissance. Ils boostent leur trafic en augmentant leurs références, en offrant plus de services et en générant plus de données clients. Les acteurs verticaux élargissent aussi leurs catégories de produits. L’étude montre en exemple le site de mode Farfetch qui a récemment ajouté des bijoux et des montres de luxe à son offre. Les opérateurs deviennent aussi des fournisseurs de services marketing et logistique à l’instar d’Amazon avec son service « Fulfillment by Amazon » qui permet aux marques de s’appuyer sur ses entrepôts pour lui confier l’exécution, les livraisons de leurs commandes et la gestion des retours.
Pour leur part, les chinois Alibaba et Tencent maîtrisent la gestion et l’analyse des données, ce « troisième levier de la satisfaction client ». Tous deux s’appuient sur Alipay (système de paiement) et WeChat (médias sociaux) pour développer des bases de données granulaires ou très détaillées sur leurs clients. « Alimama, la branche marketing numérique d’Alibaba, fournit par exemple à ses vendeurs un savoir-faire approfondi grâce à son outil «Uni marketing» et des identifiants clients unifiés pour l’ensemble de ses sites ». La plateforme Uni Marketing disposerait d’une place stratégique au sein d’Alibaba, en raison de l’exploitation des données de 450 millions de cyberconsommateurs actifs recensés dans son écosystème de services marchands ou communautaires.
« C’est un cercle vertueux : plus de trafic conduit à plus de données clients et à la possibilité d’offrir plus de services ; ceux-ci améliorent à leur tour la satisfaction des clients et renforcent ainsi le trafic ».
Les marchés continueront de croître car les opérateurs du marché, marques et clients, ont tous intérêt à les faire grandir. « Pour les opérateurs, ce modèle permet par exemple d’évoluer rapidement avec un large assortiment, de tester des produits, d’améliorer leurs propres marques ou de créer des synergies avec d’autres canaux de vente au détail ». Néanmoins, ils doivent se transformer en devenant aussi des fournisseurs de services.
« Les places de marché B to C génèrent du trafic pour les marques et leur fournissent un outil pour contrôler les prix et collecter les données des clients. De plus, elles les aident à s’internationaliser rapidement. Toutefois, les marques doivent améliorer leur maturité numérique si elles veulent en tirer parti et s’employer à mieux intégrer ce canal dans leur stratégie omnicanale afin d’apporter à leurs clients une expérience transparente ».
Attirés par ce marché en croissance, de nouveaux entrants – notamment les plates-formes de commerce social – essaient également de se tailler une part du gâteau. Facebook, Instagram ou WeChat, ont ainsi intégré une fonction dans leurs applications permettant aux clients d’acheter facilement en quelques clics des produits annoncés ou recommandés. L’interaction client n’a plus lieu sur la marketplace, ce qui signifie qu’elle reprend son rôle transactionnel.
Pour finir, le rapport apporte quelques conseils concrets aux marques afin qu’elles tirent au mieux profit des marketplaces. « La marque doit définir une stratégie claire. Des objectifs précis doivent être fixés : est-ce pour entrer rapidement sur de nouveaux marchés, tels que la Chine ? Est-ce un levier pour améliorer son réseau omnicanal ? Comment l’ADN de la marque doit-il être compatible avec celui de la marketplace ? Quels produits vendre sur cette plateforme ? ». La marque doit également réfléchir à ce qu’elle peut et veut internaliser ou externaliser comme services.
Quatre modèles de marketplace pour les marques
Le rapport dresse quatre approches et modèle différents pour les marques. Le premier qui est le plus courant, appelé « Extension de marque unique » (Single brand extension), est celui dans lequel une marque lance sa propre place de marché et ajoute d’autres marques complémentaires à la sienne. « Pour que l’exercice soit réussi, la marque doit bénéficier d’une image forte, d’un volume de trafic élevé et disposer de compétences en commerce électronique ». Le deuxième modèle, appelé « Réseau de distribution » (Distribution network) peut être utilisé si la marque dispose d’un réseau de distribution indirect et fragmenté avec un circuit de revendeurs. Les distributeurs sont invités à afficher leur portefeuille de produits sur sa marketplace. C’est pour eux un canal de vente en ligne supplémentaire qui n’entre pas en conflit avec le réseau existant, tout en permettant à la marque de prendre le contrôle d’un canal de distribution en offrant des services personnalisés. Il existe aussi des « plates-formes de licence » (licensing platfom) qui sont des places de marché fermées. La marque regroupe tous ses licenciés sur une seule marketplace et peut ainsi accroître sa visibilité et présenter l’étendue et la profondeur de son portefeuille de produits à ses clients. Enfin pour un groupe de plusieurs marques, un modèle de «plate-forme multimarques» peut être intéressant. Il intègre les produits de toutes ses marques sur une même plateforme en élargissant éventuellement son offre. Ce modèle nécessite le développement d’une nouvelle marque et doit donc être soutenu afin de générer suffisamment de trafic.
Plus généralement, les marques doivent comprendre que cette distribution en mode numérique nécessite la maîtrise de différentes compétences et le travail avec des partenaires techniques appropriés pour la gestion du catalogue (avec des contenus différenciés, du storytelling, des images attrayantes etc.), la logistique (traitement rapide des commandes et retours gratuits), la gestion du stock (intégration dans le stock central), le suivi des clients, la tarification omnicanale (ajustements des prix en temps réel) et l’analyse des données. « De plus, tous les canaux de distribution doivent être gérés de manière modulaire. À l’avenir, les marques seront obligées de maîtriser leurs réseaux de distribution d’une manière totalement nouvelle, passant d’une approche de canal de vente à une réflexion centrée sur le client. Cela implique notamment de calculer le revenu moyen par utilisateur et de définir aussi le canal et le modèle logistique et marketing en temps réel pour chacun des produits ».
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