Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans une stratégie durable avec l’appui des technologies comme la blockchain pour assurer la traçabilité et l’exploitation des données pour mieux prévoir, mais elles doivent aussi trouver des modèles rentables.
La transformation numérique des entreprises doit rimer avec responsabilité sociale et environnementale. Les nombreuses études publiées sur ce thème depuis le commencement de la crise sanitaire montrent combien les attentes des consommateurs se sont encore renforcées en quelques mois. 85% des consommateurs dans le monde pensent qu’il est important d’acheter auprès d’entreprises qui soutiennent des causes auxquelles ils croient, selon Kantar. Ce dernier a récemment identifié comme facteurs clés de succès pour renouer avec la croissance : l’accélération de la transformation numérique, le renforcement des objectifs de responsabilité sociale et environnementale des entreprises et l’agilité des organisations. Désormais, celles-ci sont de plus en plus nombreuses à prendre des initiatives dans ce sens.
Pour des groupes comme L’Occitane cette démarche n’est pas nouvelle. «La RSE est au cœur de nos actions», a récemment rappelé Christel Hennion, la directrice e-commerce et CRM international qui est intervenue lors du « Mois du retail « organisé par One to One Retail E-commerce. La marque soutient depuis plus de 30 ans des coopératives qui produisent du beurre de karité au Burkina Faso et a lancé le programme RESIST (Resilience, Ecology, Strengthening, Independence, Structure, Training) pour améliorer les conditions de vie des femmes avec lesquelles elle travaille. Depuis 2019, elle expérimente dans des magasins en Allemagne des fontaines spécifiquement adaptées au gel douche pour recharger ses flacons et elle va continuer à développer ces ventes en vrac. Cette dimension RSE est aussi au cœur de la stratégie de Petit Bateau qui envisage d’aller encore plus loin en lançant un service de location de vêtements en mode omnicanal.
Carrefour mise sur la blockchain
Si la RSE ne doit plus être opposée à la performance commerciale, comment concilier rentabilité et durabilité dans le retail ? C’est la question qui a été récemment soulevée par Diamart lors d’une table ronde sur ce sujet, avec les participations de Marie Mercier, directrice de l’expérience digitale et de l’innovation de La Redoute, Garance Osternaud, responsable des projets blockchain, merchandising, B2B supply chain de Carrefour et Laetitia Pfeiffer, executive partner en charge du digital et de l’innovation durable chez IBM.
«Nos clients, dont Carrefour et la Redoute vont devoir aller aussi vers le green IT», explique la représentante d’IBM. L’entreprise technologique a notamment lancé l’initiative « Food Trust », une plateforme en open source utilisée par Carrefour et une solution de blockchain qui s’applique «à de multiples cas d’usages dans l’alimentaire, mais aussi le textile, les actes notariés ou la chaine du froid pour en connaître les ruptures », précise Laetitia Pfeiffer. « IBM Food Trust c’est un écosystème qui réunit 300 fournisseurs et qui génère un cercle vertueux», ajoute-t-elle. Le groupe Carrefour qui accompagne sur le long terme les producteurs de sa « Filière Qualité Carrefour » a lancé son programme blockchain en interne en 2017 d’abord pour un poulet d’Auvergne. Il a ensuite été progressivement étendu à d’autres produits alimentaires, soit 35 produits dont un vin bio bordelais, puis au textile cette année.
«Nous traçons toutes les étapes clé de la production. Elles changent entre chaque lot car chacun des intervenants partage une action. Sur une bouteille de lait un QR code va permettre au consommateur d’accéder via son smartphone à une blockchain privée et à toutes les informations de l’éleveur au camion qui aura déclaré son passage. Nos réflexions actuelles portent aussi sur la supply chain comme le traçage des palettes», raconte Garance Osternaud. D’ici à 2022, cette innovation blockchain devrait être généralisée à une centaine de produits « Filière Qualité Carrefour » et sur d’autres marques, comme la gamme de produits Tex dont les matières devront être durables et traçables d’ici à 2030 dans plusieurs pays. L’objectif de l’enseigne est aussi de donner plus de visibilité aux QR Codes qui «donnent accès à des produits dont nous sommes fiers».
Seconde main et upcycling
La Redoute qui affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros est aussi engagée depuis longtemps sur les sujets de RSE et de transparence pour sa clientèle. L’enseigne nordiste a notamment lancé la plateforme CtoC de seconde main La Reboucle pour les produits de la maison et le prêt-à-porter. Le vendeur peut être rémunéré en cash ou bénéficier d’une carte cadeau abondée de 25% par le distributeur. Lancé en janvier dernier, le site aurait enregistré «des résultats très satisfaisants», selon Marie Mercier. L’enseigne a par ailleurs multiplié par deux en deux ans son offre de produits responsables dans l’univers du prêt-à-porter et vise les 100%. D’autres initiatives voient le jour comme la conception de collections « upcycling » conçues à partir de stocks dormants. Le distributeur s’est aussi associé à l’application Clear Fashion, sorte de « Yuka de la mode » en y exposant des données sur son offre. Enfin il a expérimenté la vente d’un sac en pré-commande «qui s’est révélé être un best». Les canapés de sa marque AMPM sont d’ores et déjà produits à la demande en Europe et les matelas et sommiers fabriqués en France. «Nos clients sont prêts à attendre. Par contre, nous les avons interrogés sur les consignes, dans l’objectif de remettre les emballages de livraisons dans le circuit et ils ne sont pas prêts à payer un petit surcoût. Le modèle économique est parfois difficile à trouver», admet Marie Mercier. La Redoute veut aussi accélérer sur ces questions de traçabilité des fournisseurs en collectant les bonnes données.
Améliorer l’éco-conception
Chez Carrefour, le programme blockchain «n’est ni payé par les producteurs, ni financé par les consommateurs», précise Garance Osternaud. «Nous sommes sur un positionnement cœur de marché. Est-ce rentable ? Nous avons quelques effets encore discrets sur la vente de ces produits mais la tendance est positive. Le nombre de scans par les consommateurs est variable. Notre challenge est de donner plus de visibilité, d’expliquer notre démarche». IBM continue pour sa part de lancer des innovations pour de multiples secteurs en particulier pour la mode avec notamment son portefeuille de micro-services « IBM Research AI for fashion » fournis par la plate-forme cloud d’IBM. Ils permettent aux détaillants de mode en ligne de proposer une expérience d’achat de bout en bout. L’entreprise propose aussi ses techniques d’écoconception ou « zero waste design ». « Comment améliorer l’éco-conception, éviter les déchets, optimiser les patronages avec la 3D. Il s’agit aussi de prédire les comportements d’achats en fonctions de données tierces comme la météo mais aussi de parvenir à diminuer les stocks de marchandises. Nous allons aussi dans la voie de l’hyper personnalisation».
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