Les distributeurs européens sont plus ouverts aux partenariats à égalité avec les fournisseurs de technologies que leurs homologues américains selon une étude menée par Retail Week et World Retail Congress.
La transformation digitale a un coût qui explose. Les dépenses mondiales en matière de technologie pour le commerce de détail devraient ainsi augmenter de 3,6 % en moyenne cette année par rapport à 2018 pour atteindre près de 203,6 milliards de dollars (environ 182 milliards d’euros) et continuer sur ce taux de croissance dans les deux prochaines années selon Gartner. Les nouvelles technologies qui ont cassé les business models traditionnels, ont aussi offert de nouvelles opportunités à saisir. Pour mieux comprendre cette nécessaire transformation, Retail Week et World Retail Congress viennent d’éditer un rapport intitulé « Tech : un monde en mouvement » qui passe en revue la transformation numérique du retail à travers le monde, avec la technologie qui la soutient et les tendances dans chaque pays.
Selon cette étude qui a été menée auprès de managers et des dirigeants d’enseignes en France, Allemagne, Royaume-Uni et aux États-Unis, les distributeurs européens sont plus ouverts à nouer des partenariats à égalité avec les fournisseurs de technologies que leurs homologues américains. Cette tendance pourrait néanmoins changer dans les 12 prochains mois Outre-Atlantique compte tenu de certains partenariats très médiatisés avec, par exemple, Microsoft et Walmart ou Walgreens Boots Alliance et Bossa Nova. Elle montre également qu’en France les investissements sont plus importants pour les technos de back-office et que l’IA, la robotique et la blockchain sont à l’ordre du jour dans toutes les régions, tout comme les investissements dans les recherches vocales et visuelles.
Instaurer un nouveau leadership
Si les détaillants sont divisés sur plusieurs points, tous s’entendent globalement sur le fait qu’un nouveau leadership est nécessaire pour réussir cette transformation numérique au sein de leurs organisation. Mais certains y accordent plus d’importance que d’autres. Près de 90 % des commerçants français sont d’accord sur ce point, contre 80 % en Allemagne, 75 % au Royaume-Uni et 65 % aux États-Unis. « Est-ce que cela signifie que les détaillants américains sont plus confiants sur la capacité de leurs dirigeants actuels à s’adapter au changement, ou sont-ils aveugles face à l’évolution de la situation ? », se demandent les auteurs du rapport, qui notent que seule leur performance au cours des prochaines années apportera la réponse. En France, 100 % des commerçants interrogés estiment que la nécessité d’une transformation numérique s’est accrue au cours des trois dernières années (contre 90% en Allemagne, 88% au Royaume-Uni,75 % aux États-Unis).
Des européens plus confiants quant aux capacités de leurs dirigeants
Bien que les États-Unis aient pris une longueur d’avance en matière de nouvelles technologies avec des pôles tels que la Silicon Valley, le rapport indique par ailleurs que les enseignes américaines ont pris un peu en retard par rapport au Royaume-Uni sur certains points fondamentaux comme le click and collect, le paiement par carte à puce avec Pin code et sans contact. Les Européens sont également plus confiants que leurs homologues américains à l’égard de la capacité de leurs équipes de direction à réaliser et réussir les objectifs de transformation numérique de l’entreprise au cours des 12 à 18 prochains mois, en particulier les Français (80%) contre 79% au Royaume-Uni, 60% en Allemagne et seulement 57% aux États-Unis. « Pas un seul cadre du commerce aux États-Unis n’a dit qu’il était « très positif » sur la capacité de leur leadership à cet égard mais paradoxalement les distributeurs américains tels que Target, Walmart, et Wayfair sont considérés parmi les leaders mondiaux dans le domaine de l’innovation technologique », observent les auteurs de l’étude.
Par ordre d’importance, les principaux défis auxquels sont confrontés les enseignes dans la transformation numérique sont pour la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, la mise en œuvre et l’adoption par le personnel d’une nouvelle approche technologique tout au long de la chaîne d’approvisionnement jusqu’aux magasins. Aux États-Unis, il s’agit plutôt des applications et systèmes qui ne fournissent pas les résultats escomptés.
Pour piloter cette transformation, beaucoup d’enseignes cherchent à recruter des chefs de file avec les bonnes compétences. Le rapport cite notamment l’arrivée médiatisée de Jeremy Pee, l’ancien vice-président de l’enseigne canadienne Loblaw, chez Marks & Spencer (M&S) au poste de chef de la direction numérique et des données et qui doit insuffler une culture numérique dans toute l’organisation.
Cette transformation numérique est en tout cas en train de devenir un élément central de la stratégie pour de nombreux détaillants comme le montre n’importe quel rapport annuel. L’étude cite plusieurs exemples dont celui du groupe de bricolage européen Kingfisher, et son plan de transformation sur trois ans » One Kingfisher » qui consiste à casser les silos, ou celui de Decathlon qui a pris la décision d’ouvrir un magasins sans caisse aux États-Unis, ou encore celui de la chaîne de supermarchés Rewe en Allemagne qui a lancé un pôle numérique distinct en 2013 qui l’a aidé à tester de nouveaux concepts et à faciliter le changement de culture et d’organisation.
Accélération des investissements
Bien que les plans quinquennaux traditionnels constituent toujours un bon moyen pour l’entreprise pour projeter ses résultats, l’avènement du digital exige des entreprises qu’elles évoluent et changent beaucoup plus vite qu’il y a des années. « Les plans de transformation sont très probablement cartographiés sur une période de trois ans, voire moins ». La moitié des détaillants britanniques interrogés ont déclaré qu’ils travaillaient sur des projections triennales pour la transformation numérique, idem pour les Français. Au Royaume-Uni, un tiers des détaillants prévoient d’investir des montants à six chiffres dans la technologie au cours des 18 prochains mois.
Une compréhension des technologies parfois limitée
Au Royaume-Uni toujours, 45% des enseignes utilisent déjà la recherche visuelle dont Asos, Boohoo, M&S, eBay ou encore Argos. Les technos pour aider les acheteurs à trouver ce qu’ils recherchent de manière plus intuitive sont parmi leurs priorités. Viennent ensuite la recherche vocale (27%) et la réalité augmentée et virtuelle (23%). Mais les statistiques montrent que leur niveau de compréhension reste limité notamment sur l’impact que pourraient avoir ces technos sur leurs organisations. En termes d’investissements, les détaillants de chaque pays maintiennent un équilibre à peu près égal entre les technologies front et back-office. En France, la moitié des retailers déploie la robotique et l’IA est une question prioritaire. En Allemagne, 60 % investissent dans la technologie vocale. De manière générale, les plus couramment utilisées aux États-Unis, en France et en Allemagne sont l’intelligence artificielle (IA), la robotique et la recherche vocale, mais une fois de plus, malgré leur adoption, il y a toujours un certain manque de compréhension à leur sujet. L’utilisation de la robotique est illustrée dans ce rapport par l’exemple de Cdiscount avec les robots Skypod d’Exotec Solutions, qui trient et préparent les commandes dans son entrepôt de Bordeaux. En Allemagne, le tout-puissant Otto a été l’un des premiers distributeurs à s’associer avec Google pour s’assurer que les clients puissent commander à l’aide d’une technologie vocale.
Nouvelles formes de partenariats
M&S et Boots, deux piliers de la grande distribution britannique, ont annoncé des partenariats hautement stratégiques avec Microsoft. En plus du déploiement de la techno de l’éditeur, ils vont travailler ensemble dans la recherche et le développement (R&D) notamment sur la manière dont l’IA et le cloud peuvent améliorer la qualité de l’information et créer de nouveaux modèles de commerce. Aux États-Unis, Walmart a annoncé un programme similaire avec Microsoft pour tirer parti de ce que le détaillant décrit comme « Une large base de solutions cloud, d’intelligence artificielle et d’IoT à l’échelle de l’entreprise « . L’accord doit conduire à rechercher de nouvelles façons de servir les clients et d’impliquer le personnel. Carrefour s’est engagé avec Google pour conduire l’innovation. Certaines marques, souvent plus petites, utilisent les moyens techniques d’Amazon y compris Amazon Web Services. 55 % des personnes interrogées au Royaume-Uni souhaitent que les fournisseurs deviennent des partenaires « plus égaux » dans la transformation numérique et attendent une plus grande collaboration à l’avenir. Ce pourcentage monte à 60% en Allemagne, devant la France (50 %) et les États-Unis (40 %). Ces partenariats d’un nouveau style vont continuer et ils sont en train de devenir la nouvelle norme. Autre exemple : celui du supermarché en ligne Ocado qui aide à soutenir le commerce électronique de Morrisons au Royaume-Uni, de Kroger aux États-Unis, ICA Group en Suède et de Casino en France et qui a annoncé un programme stratégique avec M&S.
Laisser un commentaire