Les acteurs du retail et de la tech se sont réunis le jeudi 21 novembre dernier à EuraTechnologies lors de la nouvelle édition de Connect Lille pour partager leurs expériences et surtout débattre des principaux leviers de performance du marché.
A la journée Connect Lille organisée par Diamart Group le 21 novembre dernier, les professionnels ont oscillé entre pessimisme et optimisme mesuré. «Cette année, l’urgence économique prime sur la prospective», affirmait Cédric Ducrocq, pdg de Diamart, quelques jours avant l’évènement. Convié pour ouvrir le bal et toujours avec le sourire, car les modèles indépendants dans le commerce alimentaire tirent leur épingle du jeu face aux intégrés, Michel-Edouard Leclerc a rappelé la nécessité d’une adaptation permanente, l’indispensable agilité pour lancer de nouveaux modèles (liés par exemple à la valeur d’usage des produits) et de nouvelles offres, et l’intérêt d’avoir le regard toujours rivé sur l’horizon. Se transformer reste la clé de la résilience et du succès, estime le dirigeant qui a rappelé que son groupement investissait 500 millions d’euros dans l’informatique, la logistique et Internet et que le Drive avait participé à acculturer les adhérents au digital. Malgré les difficultés rencontrées par certaines enseignes comme Casino ou Auchan dans l’alimentaire, la situation, en terme de consommation notamment, reste bien meilleure selon lui que lors des crises des années 1970. Et si certains acteurs disparaissent, d’autres enseignes à l’instar d’Action occupent la place.
Les leviers de la marketplace
Pendant cette journée rythmée par les témoignages de grands retailers, par des partages d’expérience et des retours sur des cas d’usages, les intervenants ont surtout dévoilé leurs leviers de performances. «Plus que jamais on croit au relationnel, au pouvoir de la marque», souligne Marie Mercier Briand, directrice de l’expérience digitale et de l’innovation de La Redoute qui veut accélérer sur le retail media, sur de nouveaux services gratuits comme son service de livraison illimitée La Redoute +, ou payants (comme le montage de meubles ou les garanties qui seront lancés en 2025), les produits circulaires et le BtoB pour meubler les bureaux ou les hôtels. «Renforcer notre dimension de marketplace est un axe fort de notre stratégie aujourd’hui, en particulier dans cet univers maison-décoration», ajoute la responsable. En plus de marques propres, l’enseigne qui réalise aujourd’hui 70% de son chiffre d’affaires sur ce marché a mis en place une stratégie de curation en sélectionnant «des marques étendards sur la décoration» comme Kartell, et veut développer cette activité à l’international. Une partie de son assortiment est aussi représentée sur d’autres places de marché comme Galaxus en Suisse ou Next au Royaume-Uni. Enfin après avoir abandonné son service de vente et d’achat de produits d’occasion entre particuliers La Reboucle, qui lui demandait trop d’efforts et d’investissement, La Redoute a repensé son modèle en intégrant désormais des produits de seconde main directement sur ses pages de ses produits neufs. «Depuis un an, nous «onboardons » des marques et des vendeurs que l’on a identifiés et qui font sens sur l’ensemble de nos verticales», ajoute Marie Mercier Briand.
L’essor du retail média
Chez Adeo, maison-mère de Leroy Merlin ainsi que des enseignes de bricolage de moyennes surfaces telles que Weldom, Bricocenter, Saint Maclou, ou encore de la marque professionnelle M regroupant les enseignes Bricoman (France et Pologne), Obramat (Espagne), Tecnomat (Italie), Obramax (Brésil), il s’agit aussi d’aller beaucoup plus loin et d’étirer la proposition de valeur. «Quand un particulier qui vient en magasin veut refaire sa salle de bains, il achète un carrelage, de la colle et nous nous rendons compte que nous répondons à 20% du besoin. Nous pouvons aller plus loin dans la gestion de son projet», estime Michelle Lamberti-Ceaux, CXO global omnicommerce leader chez Adeo. L’entreprise qui cherche à «construire une plateforme pour un habitat positif» en intégrant un écosystème de partenaires et des services comme des configurateurs de projets, développe aussi le retail media qui créé du trafic et attire les vendeurs sur la place de marché. Dans ce domaine, les annonces ne cessent d’ailleurs de pleuvoir : la dernière en date, présentée comme une «révolution» et la naissance d’un mastodonte par le consultant retail Oliver Dauvers, est en train de se concrétiser entre groupement Les Mousquetaires et le groupe Mulliez via Valiuz pour mutualiser notamment les données des enseignes Leroy Merlin et Bricomarché dans le bricolage et d’Intermarché et d’Auchan dans l’alimentaire. Une suite logique après l’alliance d’Intermarché et d’Auchan dans les achats à travers la centrale Aura Retail.
Toujours plus de services
En plus de cet important levier du retail media, le groupe Adeo enrichit les services omnicanaux en lien avec ses marketplaces. «Nous allons marquer une différenciation par rapport à nos concurrents directs, mais aussi les pure-players comme Amazon, avec des services omnicanaux. Demain nous allons proposer des retours 3P (produits des vendeurs tiers, ndlr) en magasin, aller chercher ces colis dans les lockers, faire du SAV. C’est en test en Italie. Nous allons mettre dans la main des vendeurs un outil digital pour qu’ils vendent du 1P et 3P directement en magasin. Notre modèle de calcul de la performance est basée sur la la « lifetime value » du client. Nous souhaitons qu’il consacre les dépenses liées à son projet chez nous, dans le temps», explique Michelle Lamberti-Ceaux. Adeo développe aussi son « Doctolib de l’Habitat », une plateforme de mise en relation entre artisans et clients, notamment en Espagne et au Portugal.
Offre, prix et expérience d’achat
Face à une consommation qui décroche et à un marché fragmenté où sévit ce «poison DD » pour « déflation et déconsommation », tels que les surnomme Olivier Dauvers, le commerce de détail doit miser sur la qualité et la pertinence de son offre. «La seule obsession à avoir c’est l’offre, le prix et l’expérience d’achat. Mais il ne faut pas inverser cette pyramide», insiste Olivier Dauvers. Cédric Ducrocq invite quant à lui les retailers à réagir avec un plan d’action en quatre axes basé sur le pricing, des prix qu’ils faut «optimiser pour maximiser la rentabilité des projets tout en restant attractif pour les consommateurs», la valorisation de deux ou trois projets mobilisateurs en interne «pour montrer qu’on avance» et une sorte de radicalité en concentrant les moyens sur les avantages différenciateurs et ses atouts et enfin, il les incite à se fixer un cap ambitieux qui recrée de l’intérêt.
Autant de défis auxquels est confronté Alexandre de Palmas, directeur exécutif France de Carrefour invité également à s’exprimer lors de cette journée. Le gâteau de la consommation se fait plus petit et la fragmentation des circuits de distribution s’accroit, même si l’enseigne alimentaire vient de finaliser le changement de 60 magasins Cora devenus Carrefour. «Cette étape est faite et maintenant on va rentrer dans le dur avec l’intégration de tout le back, donc l’informatique, le merchandising et l’assortiment, les systèmes de caisse, le programme de fidélité… Tout cela aura lieu au premier trimestre de l’année prochaine. C’est la partie la plus critique et la plus technique», estime Alexandre de Palmas. Certains systèmes comme la commande en magasin, par exemple, resteront spécifiques à Cora.
Modernisation du parc de magasins
L’enseigne qui a opéré une baisse de ses prix «la plus importante depuis 2011» en faisant contribuer ses partenaires industriels à cet effort, en réalisant des économies, et en réduisant notamment les bons d’achat, a également diminué le nombre de ses références de 14% à surface comparable. «Mais nous avons remis des marques nationales, ce que l’on ne faisait plus depuis au moins trois ans. L’amélioration de l’expérience client passe aussi pas l’état des magasins, du parc commercial et c’est un défi pour nous, compte tenu de son ampleur. Comment moderniser notre parc pour en faire un lieu accueillant, moderne, lumineux, agréable pour les clients ? C ’est probablement l’un des sujets le plus lourds qui me reste sur la table pour 2025 », ajoute Alexandre de Palmas.
Enfin, le sujet majeur en termes de revenus est celui de l’exploitation de la data sous toutes ses formes, avec le retail media et Carrefour Links, qui développe des solutions en matière de connaissance client grâce au programme de fidélité et aux services financiers notamment. L’automatisation et l’IA font aussi partie des leviers pour améliorer la productivité interne, adapter l’offre aux besoins des consommateurs avec notamment des promotions individualisées et des prix plus précis. « Cela fait des années que l’on utilise l’IA. Notre direction des achats non marchands par exemple s’en sert pour analyser des réponses à un appel d’offres, et lire automatiquement certains documents et comparer des produits. Et lorsque nos fournisseurs et les industriels nous envoient leurs conditions générales de vente c’est la machine qui les lit et identifie les points différents par rapport à l’année précédente». Si les apports de l’IA peuvent paraitre spectaculaires et les propositions des data analysts « assez grisantes », la machine ne fait pas tout. «Il y a toute une entreprise derrière qui doit aller à son rythme, l’humain et le savoir-faire commerçant restent centraux».
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