La tribune de Sébastien Herry, R&D data science and machine learning director de Symphony RetailAI France.
Les évolutions technologiques sont en train de bouleverser le monde du travail comme jamais depuis deux siècles. Si les machines et les algorithmes vont prendre la place des humains dans de nombreux métiers, de nouveaux vont être créés et de nouvelles compétences vont être nécessaires, pour lesquelles les retailers doivent se préparer dès aujourd’hui.
La révolution industrielle au 19ème siècle a fait entrer l’économie et le monde du travail dans une nouvelle ère. Une ère au cours de laquelle la machine a remplacé plus de la moitié des travailleurs dans certains secteurs, en l’espace de quelques décennies. Nous sommes aujourd’hui entrés dans une révolution de même envergure, et probablement plus profonde encore. D’après une étude publiée par le McKinsey Global Institute, au moins 40% des activités sont désormais automatisables dans la majorité des métiers – et pour 20% des métiers, c’est au minimum 80% des tâches qui peuvent l’être. Le cabinet d’analyse estime ainsi que l’automatisation et l’IA pourraient prendre la place de 400 à 800 millions d’individus dans le monde d’ici à 2030.
Comment l’automatisation et l’IA vont transformer les métiers du retail
Par quoi cela va-t-il se traduire concrètement pour le retail ? Trois phénomènes vont se combiner : la disparition (ou le fort déclin) de certains métiers ; la création de nouveaux ; et des changements dans la plupart d’entre eux. Les plus exposés sont ceux où l’automatisation réduit les besoins en compétences manuelles et cognitives de base. Typiquement, de nombreuses tâches en entrepôt (préparation de commande, conduite de chariots élévateur…) ne seront progressivement plus assurées par l’homme, mais par des automates équipés de capteurs et pilotés par l’intelligence artificielle. Les métiers manuels ne sont pas les seuls concernés. Dans le domaine de l’analyse des données consommateurs et de la prévision de la demande par exemple, l’IA est déjà en train de démontrer des résultats particulièrement probants. Grâce à sa capacité à automatiser le traitement de très grands volumes de données, elle se montre beaucoup plus performante pour faire des projections sur plusieurs semaines, et ce en quelques minutes.
Le second phénomène – la création de nouveaux métiers – compensera le premier, et sans doute au-delà. En premier lieu, l’étude du McKinsey Global Institute rappelle que la demande pour les biens de consommation ne cesse d’augmenter dans le monde, et plus particulièrement dans les pays émergents. Le cabinet d’analyse estime ainsi que la consommation globale pourrait croitre de 15 trillions de dollars entre 2020 et 2030, entrainant la création de 170 à 190 millions de nouveaux emplois. Ensuite, certains métiers et compétences jusque-là peu présents chez les retailers vont rapidement se développer et faire l’objet d’une forte demande – notamment les data scientists, les développeurs logiciels, les spécialistes de l’IA ou encore les experts de la réparation et de la maintenance de robots. Enfin, on estime que 8 à 9% de la demande en 2030 concernera des métiers qui n’existent pas encore.
Le troisième phénomène est à la croisée des deux premiers, et concerne la majorité des métiers d’aujourd’hui et de demain. Car en réalité, quasiment toutes les activités professionnelles bénéficieront d’une automatisation à un degré plus ou moins important. De la même manière que l’ordinateur accompagne presque tous les professionnels dans leurs tâches quotidiennes, l’IA et les machines vont compléter le travail humain dans tous les métiers du retail et vont devenir une composante incontournable.
Un nouvel échiquier de compétences
Cette transformation qui est à l’œuvre, va profondément impacter la cartographie des compétences et du rôle de chaque métier. Là aussi, il faut comprendre que plusieurs axes vont se combiner. Tout d’abord, comme nous l’avons vu, les retailers vont devoir intégrer des compétences nouvelles et attirer de nouveaux talents pour continuer à être compétitifs et tirer tous les bénéfices de la digitalisation. Parallèlement, la faculté à faire rapidement évoluer les qualifications et les compétences des employés va être essentielle. Le rythme auquel les retailers vont mettre à jour leurs systèmes et outils déjà en place – ainsi que celui auquel ils vont intégrer de nouvelles solutions et donc de nouvelles fonctionnalités – ne vont faire qu’augmenter. Dans beaucoup de métiers, des employés capables de maitriser rapidement les technologies émergentes vont devenir au moins aussi importants que des employés spécialisés dans une technologie spécifique.
Ce qui nous amène à un troisième aspect clé : l’aptitude des dirigeants à comprendre les technologies, leur potentiel et leurs enjeux. La transformation des compétences va ainsi toucher jusqu’aux plus hautes fonctions de l’entreprise. Les équipes de direction – et même les conseils d’administration – vont avoir besoin d’intégrer des talents reconnus et expérimentés qui maîtrisent parfaitement les technologies stratégiques d’aujourd’hui et sauront appréhender celles de demain.
La menace de la pénurie de talents
Il est d’autant plus important d’anticiper ces nouveaux besoins que le secteur du retail ne sera pas le seul concerné. Aujourd’hui déjà, la pénurie de compétences est une réalité pour beaucoup d’entreprises qui peinent à recruter dans les métiers du digital.
Le défi est donc double pour les retailers : ils doivent non seulement connaitre et cartographier précisément leurs besoins en compétences, mais ils doivent également savoir attirer les talents qui seront les plus demandés sur le marché, en concurrence avec les autres secteurs d’activité.
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