Les maisons de luxe s’emparent de la data et de l’intelligence artificielle

Temps de lecture : 4 minutes

la collecte des datas et l’utilisation des algorithmes @clesdudigitalLa collecte des datas et l’utilisation des algorithmes d’intelligence artificielle sont désormais au cœur des stratégies des griffes de luxe.

Chanel travaille notamment avec l’agence conseil en transformation digitale et data Equancy et ne s’interdit pas d’aller dans la voie de la «data science». Mais la maison qui gère une « data factory » rattachée à l’IT se concentre avant tout sur des cas d’usages, en analysant les besoins métiers dans l’objectif d’améliorer ses activités opérationnelles. «Les projets sur lesquels nous travaillons avec Equancy sont tournés vers l’affectation de nos produits iconiques dans les boutiques», souligne Yankel Ducret, responsable Europe advanced analytics & data science chez Chanel qui s’est récemment exprimée lors des journées Hubday Data & AI For Business organisées par le Hub Institute.

La griffe qui prend des engagements d’achat auprès des boutiques, livrées deux fois par semaine, doit calculer le stock optimal, suivre les retards, mesurer les tensions dans les flux d’approvisionnement, appliquer une «équité» entre les points de vente. «Pour répondre à ces enjeux, des algorithmes ont été élaborés. Les données sont collectées, traitées. Les livraisons sont pilotées et les expéditions sont automatisées depuis un entrepôt robotisé». D’autres usages de la data sont envisagés pour, par exemple, gérer les plannings complexes des personnels en boutique en fonction du trafic mais en tenant compte aussi des réglementations en cours dans chaque pays.

la collecte des datas et l’utilisation des algorithmes @clesdudigital
Anca Marola

Ces sujets liés aux données sont tous définis «en co-construction» dans une stratégie «business driven» plutôt que «data driven». L’an dernier la maison a par ailleurs lancé Lipscanner, un nouvel outil au service du marketing cette fois, utilisant l’intelligence artificielle. Conçu avec Connected Experience Lab (CX Lab) et le Studio de création Maquillage de Chanel, il s’agit d’un lecteur de couleurs pour tester et identifier plus de 400 rouges à lèvres depuis un mobile. L’application qui permet de les essayer virtuellement, de conserver ou partager les photos de ses essais et de commander directement les produits n’est disponible pour l’instant que depuis l’App Store

Développer la culture de la data

Chanel fait ainsi partie des 30% d’organisations mondiales qui ont déjà déployés l’IA dans leurs processus métiers selon une étude menée par Ibm. Près de 45% en sont encore au stade exploratoire ou devraient la déployer dans les douze prochains mois selon ce même rapport. Le groupe Lvmh a pris pour sa part ce sujet à bras le corps il y a environ six ans pour «sublimer l’expérience métier et l’expérience collaborateur», selon Anca Marola, group chief data officer chez Lvmh. L’approche du groupe de luxe est, là aussi, très tournée vers les métiers. Les cas d’usages sont ainsi «d’assister la créativité humaine que l’on ne veut bien sûr pas automatiser, assurer des prévisions notamment dans la supply chain, produire mieux en calculant les coûts de production rapidement, par exemple celui d’un sac en deux secondes contre deux semaines auparavant, offrir une expérience client ultime avec des recommandations produits et de la personnalisation».

Sur ses sites e-commerce, 85% des internautes sont d’ores et déjà exposés à des contenus et des services personnalisés et l’augmentation du taux d’engagement est immédiat, de 15 à 20%. Pour aller dans cette voie, le groupe a signé dès 2021 un partenariat stratégique avec Google Cloud. Les solutions mises en œuvre s’appuyant sur l’IA et le machine learning vont du développement de produits à la chaîne d’approvisionnement, en passant par les collaborateurs, les partenaires et les clients. Il s’agit aussi de développer la culture de la data et de l’innovation, à travers des programmes de formation et de certification dédiés pour les équipes des différentes griffes.

la collecte des datas et l’utilisation des algorithmes @clesdudigital«C’est d’abord un enjeu de change management», assure Anca Marola mais c’est aussi un enjeu de «data compliance» qui occupe une équipe dédiée. «La confiance des clients est primordiale. Nos cas d’usages sont toujours dans l’intérêt des clients». Pour les sujets autour de la «privacy»,  le groupe a l’habitude d’appliquer dans les différents pays la réglementation de celui qui est la plus forte. Enfin, le groupe qui veut placer la data au cœur de son organisation et qui aura besoin de compétences dans ces nouveaux métiers a conclu un partenariat pédagogique avec l’école parisienne Albert School. Cet établissement dédié à la data, et créé par Grégoire Genest (fondateur de la solution de paiement en magasin Neos rachetée par Lyf Pay) accueille sa première promotion à la rentrée. Dans le cadre de ce partenariat, Lvmh fera l’objet d’un «Business Deep Dive» (immersion) avec les élèves de Bachelor, au cours duquel les étudiants «analyseront en profondeur les enjeux du groupe et mobiliseront plusieurs savoirs (économie, finance, marketing, data). LVMH contribuera étroitement à la construction de cette séquence avec la mise à disposition de jeux de données et surtout, en mobilisant des collaborateurs qui dispenseront dix heures de cours sur la période.»

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