Le e-commerce est le grand gagnant de cette nouvelle vie sans contact amplifiée par la crise sanitaire même si les Français sont moins enthousiastes que l’ensemble des Européens à apprécier faire leurs courses en ligne selon un dernier rapport de L’Observatoire du Cetelem.
La vie sans contact c’est pratique mais, sans surprise, cela nuit considérablement à la qualité des relations humaines. L’Observatoire du Cetelem qui a interrogé plus de 14 000 personnes dans 15 pays européens, dresse un état des lieux de cette vie « sans contact », amplifiée par la crise sanitaire et analyse ses conséquences. L’organisme note en préambule de son étude que tous les pays sont aujourd’hui impactés par une baisse de moral dans des proportions plus ou moins importantes. Dans la plupart des nations où les notes étaient les plus élevées, les baisses sont les plus significatives (moins 1,1 point et moins 0,8 point entre septembre 2021 par rapport à septembre 2020 en Autriche et en Allemagne, les plus optimistes jusqu’alors). Avec moins 0,9 point, la France connaît la troisième plus forte chute, son score passant à nouveau en-dessous de cinq sur dix. Les perceptions diffèrent et sont toutefois moins négatives quand les questions portent sur les situations personnelles (moins 0,2 point).
Cette baisse de moral et cette incertitude face à l’avenir, poussent les consommateurs à épargner. La plupart des pays du Baromètre de l’Observatoire Cetelem ont ainsi enregistré des croissances spectaculaires en matière de taux d’épargne au second trimestre 2020. Triplement en Espagne et au Portugal. Scores dépassant les 25 % en France, en Belgique et en Allemagne. Le désir de consommer pour sa part s’étiole.
«La morosité est telle que l’envie même de dépenser n’est plus là. Près d’un Européen sur deux en fait état. Et peu importe qu’on en ait ou non les moyens. La proportion de celles et ceux qui estiment les avoir mais qui témoignent de cette absence du désir de consommer est en hausse de quatre points. Soulignons également que les personnes âgées n’ont pas envie de dépenser du tout. C’est dans certains pays aux économies les plus « prospères », ainsi qu’en République tchèque, que cette envie fait le plus défaut». 62 % des Autrichiens (+15 points) et 55 % des Français (+12 points) subissent une anémie consumériste. Seuls les Italiens affichent des envies de dépenser très sensiblement à la hausse (+3 points). Le sentiment de dégradation du pouvoir d’achat s’accroit partout excepté chez les Français qui pour une fois, sont à contre-courant. «Sans nul doute, les mesures de chômage partiel, parmi les plus favorables en Europe, contribuent aussi à cet état d’esprit positif».
La crise sanitaire, incarnation d’une vie sans contact
La vie sans contact, sujet de cette étude n’est pas une notion nouvelle. 73% des Européens estiment que ces pratiques existaient déjà avant la crise sanitaire. «Télépéage ou parking, clé magnétique, carte de transport ou de cinéma, badge de remontée mécanique, carte de paiement, assistants vocaux, le sans contact s’est depuis longtemps installé dans nos vies», rappellent les auteurs du rapport. Mais près de quatre Européens sur dix pensent que cette crise les a accélérées. Pour 46 % d’entre eux, la crise du Covid-19 est ce qui symbolise le mieux la vie sans contact. Ces pratiques sans contact (télétravail, communication à distance avec d’autres personnes, paiement sans contact) sont présentes au quotidien pour huit Européens sur dix. D’un pays à l’autre, les opinions sont globalement homogènes avec cependant les Allemands et les Tchèques relativement moins nombreux à l’estimer (72 % et 71 %), les Polonais et les Portugais pour en être les plus convaincus (90 % et 89 %).
Le sans contact associé à la solitude
Constater la réalité de la vie sans contact ne signifie pas pour autant que celle-ci soit naturellement acceptée, selon ce rapport. Six Européens sur dix vivent les évolutions qui lui sont liées comme une contrainte. Les Français expriment sur ce point une opinion proche de celle des pays d’Europe centrale (69%). Les jeunes et les foyers aux revenus supérieurs l’acceptent plus facilement (45 % pour les 18-24 ans, 46 % pour les 25-34 ans) à l’opposé des séniors et des foyers aux revenus modestes (65 % pour les 50-64 ans, 63 % pour les 65 et plus). Dans tous les pays de l’étude, hormis en Hongrie, le sans contact est d’abord associé à la solitude, plus particulièrement en Belgique, au Portugal, en France et en Suède, où plus d’une personne sur deux la mentionne.
Le sans contact facilite la vie de tous les jours
Quand il s’agit de considérer la vie sans contact sous un angle concret, les Européens font preuve de plus d’optimisme pour souligner ses avantages, avec une ligne de partage très nette entre ce qui facilite la vie de tous les jours et ce qui relève de la vie sociale. Dans le premier cas, la vie sans contact fait des heureux. Faire ses courses en ligne, gérer son budget ou accomplir à distance des démarches administratives, s’informer par écrans interposés, payer à distance, se cultiver virtuellement, télétravailler, jouer… la vie sans contact recueille une grande moisson de « like » (respectivement 73 %, 70 %, 68 %, 66 %, 58 %, 57 %, 56 %). Dans le détail, les réponses des Européens révèlent certaines singularités nationales prononcées. Les Français sont ainsi de loin les moins enthousiastes à apprécier faire leurs courses en ligne (51 % contre 73 % pour la totalité des Européens), ce qui semble souligner leur attachement aux commerces traditionnels, même si le premier confinement a marqué un regain d’intérêt pour cette pratique (20 % d’intérêt en plus pour les plateformes e-commerce entre 2019 et 2020). Ils restent loin des champions britanniques et ne suivent pas l’engouement toujours plus grand des Espagnols (+36 % d’intérêt cette année).
Le télétravail s’est inscrit durablement dans le paysage
Du coté du télétravail, 67 % affirment qu’il fonctionne bien. Sans doute le plaisir d’une certaine liberté retrouvée et les bienfaits de la suppression de déplacements quotidiens souvent fatigants, même si la frontière entre vie professionnelle et vie privée devient moins étanche. Les entretiens menés dans le cadre de cette étude ont ainsi souligné que les horaires de travail pouvaient être plus conséquents, contrairement à ce qu’on pourrait intuitivement penser. En Suède et au Royaume-Uni, les opinions positives sont nombreuses. Deux pays où télétravailler n’est pas une nouveauté. Mais au Portugal et en Espagne, où cette réalité professionnelle est plus récente, un égal enthousiasme est partagé (73 %). En Europe centrale, ce sentiment est plus mesuré. Les Bulgares sont ainsi seulement 53 % à juger que le télétravail fonctionne bien. Signe que le télétravail s’est inscrit durablement dans le paysage professionnel, et dans les esprits, quatre Européens sur dix se voient exercer leur métier parfois sur leur lieu de travail et parfois chez eux. Les Français se montrent plutôt traditionalistes, avec 43 % qui souhaitent exercer exclusivement sur leur lieu de travail.
Une adaptation facile
Quel que soit le sexe, la tranche d’âge ou le niveau de revenus, pour les deux tiers des Européens, il est facile de s’adapter aux pratiques sans contact. Une fois encore, le commerce en ligne est le plus plébiscité (79 %). Et une fois encore, ce sont les Français qui rechignent à le déclarer (63 %). Cet item n’occupe pas la première place de leur classement, idem pour les Belges. L’information, le paiement, la gestion et les démarches administratives sans contact suivent dans un mouchoir de poche (76%, 74% et 73%). Les Portugais apprécient particulièrement ces facilités alors que les Français et les Belges sont à nouveau plus réfractaires. Mais moins d’un Européen sur deux estime que les parents, les personnes vivant à la campagne, en perte d’autonomie ou en difficulté économique sauront faire face à ces changements. Ils sont même seulement un sur cinq à penser que les personnes âgées pourront s’adapter. Les pays du groupe Nord se montrent un peu plus optimistes que les autres. Ceux du groupe d’Europe centrale, souvent plus ruraux, affichent un pessimisme très affirmé.
«Ces résultats mettent en exergue une fracture numérique dont la vie sans contact est l’une des composantes tangibles, qui verrait seulement les jeunes, les urbains et les personnes aisées tirer leur épingle du jeu. Populations qui caractérisent aujourd’hui de plus en plus celles des villes européennes».
En prenant en compte à la fois les facilités pratiques de la vie sans contact et les frustrations sociales qu’elle génère, difficile pour les Européens de se prononcer sur le souhait qu’elle se développe dans le futur. Signe de leur indécision, une toute petite majorité (53 %) veut que la société fasse de plus en plus de place au sans contact dans les dix années à venir. Les plus réticents à cette évolution sont les Roumains, les Bulgares, les Italiens et les Français (44 %, 45 %, 45 % et 47 %). Les Espagnols s’y projettent les plus positivement (63 %), de même que des Britanniques « virtuophiles » (60 %).
Dans l’optique d’une expansion qui semble donc inéluctable, alors que le sans contact questionne sur certains sujets comme la sécurité ou le respect de la vie personnelle, les Européens n’accordent pas de la même façon leur confiance pour en contrôler le développement. Les trois pays du groupe Nord sont soudés pour estimer que les entreprises, les citoyens, les collectivités locales ou les pouvoirs publics sauront relever ce défi. Pays du consensus social et de la responsabilisation individuelle par excellence, la Suède est nettement la plus optimiste envers tous ces acteurs. Les pays d’Europe centrale, particulièrement la Bulgarie et la Roumanie, sont beaucoup plus sceptiques.
«Cet Observatoire Cetelem de la consommation 2021 montre que les Européens sont prêts à faire de la place à la vie sans contact, acceptent sa réalité et la jugent plutôt accessible, surtout à titre personnel. Il met aussi en valeur trois groupes géographiques aux pratiques et aux satisfactions différentes. Mais surtout, il fait état d’une désirabilité qui ne pourra s’affirmer qu’à condition qu’elle conjugue à la fois les facilités de la vie et les rapports humains qui vont avec. Une dualité qui n’a été que plus tangible en ces temps incertains de pandémie. Les Européens nous le disent : la vie sans contact idéale se doit d’être pratique et humaine», souligne Flavien Neuvy directeur de l’Observatoire Cetelem.
Leave a Reply