Le commerce physique invente des concepts innovants grâce aux technologies. Tour d’horizon de quelques lieux de commerce de nouvelle génération.
Comment les boutiques physiques doivent-elles se réinventer à l’ère du digital ? Partout dans le monde, le commerce est bousculé par les nouveaux modes de consommation et par l’arrivée de nouveaux acteurs. Et dans ce bouillonnement, activé aussi par les innovations technologiques, apparaissent des concepts plus en phase avec les attentes des clients. Certains misent à fond sur tout ce que ne peut pas proposer le commerce en ligne, privilégiant les tests et essayages de produits dans leurs magasins, ou jouent l’ultra-personnalisation, d’autres se font désirer avec des offres éphémères. Beaucoup ne pourraient exister sans les innovations technologiques.
Ces nouveaux concepts sont régulièrement décryptés par Rodolphe Bonnasse, pdg de CA.com. Ce publicitaire et conseiller en communication a récemment présenté un petit tour du monde de l’innovation retail lors d’un rendez-vous organisé par l’Institut du commerce.
«Deux tiers des français font confiance à une marque parce qu’ils peuvent tester et sentir les produits. C’est particulièrement vrai chez les Millennials. 60% des 18-24 ans vont en magasin pour faire autre chose qu’effectuer des achats», souligne Rodolphe Bonnasse.
Dans une étude intitulée Shopper Observer, Havas précise par ailleurs que 29% des Français de 18-25 ans, 41% des Américains et 71% des Chinois du même âge, préfèrent rester chez eux pour faire leurs achats.
Pour faire venir à eux ces consommateurs désenchantés et casaniers, le commerce physique n’a pas d’autre choix que d’inventer de nouveaux lieux de vie étonnants voire détonants. C’est le cas par exemple de Rose Biketown. L’enseigne de cycle d’origine allemande née en 1907 construit des « temples du vélo » pour les néophytes et les passionnés. Dès 1996 elle a lancé la vente en ligne sur un site comptant quatre millions d’articles aujourd’hui, et elle a été parmi les premières à proposer en 2008 un configurateur de vélo sur son e-shop.
Le rôle principal des magasins Biketown a progressivement changé. Il est désormais de renforcer la confiance auprès des clients et de réduire les freins à l’achat de bicyclettes vendues en moyenne 2.000 euros. Dans son flagship de 6.000 m² à Bocholt ou dans son concept-store multimédia ouvert en 2014 à Munich, les visiteurs peuvent obtenir des rendez-vous avec des conseillers, mesurer leurs pied en 3D pour obtenir les chaussures les mieux adaptées, ou leur postérieur pour avoir les selles les plus ergonomiques. Toutes les données sont enregistrées pour que le client les retrouve en ligne, configure son vélo et le personnalise en choisissant parmi 6.000 accessoires disponibles.
Sur des iPads en magasin, ils mesurent et règlent leur vélo et le visualisent en «live» sur de grands écrans tactiles. D’immenses murs de vidéo en LED communiquent les valeurs de la marque. Les magasins disposent aussi d’une zone atelier, ou d’essai, mais les vélos configurés grâce à un logiciel 3D, sont toujours construits de manière traditionnelle dans l’usine principale de la marque à Bocholt. Les Français peuvent les acheter quant à eux via le site de vente en ligne et se faire livrer dans le show-room situé près de Paris à Maurepas dans les Yvelines. L’espace de 100 m² permet aussi d’essayer une partie de la gamme et de configurer son vélo en fonction de ses préférences et de son budget. Rose Biketown aurait prévu d’ouvrir 7 nouveaux magasins en Europe.
Dans un autre registre la marque de parkas d’origine américaine Woolrich, a ouvert un flagship avec une salle « Extreme Weather Experience Room », où la température peut descendre jusqu’à -20 °C en hiver et + 5 ° en été et ce, afin d’essayer des vêtements de plein air dans des conditions réelles. Le magasin comprend aussi un atelier pour personnaliser des vestes ou sweat-shirts, une bibliothèque, une cour intérieure qui abrite des plantes rares sélectionnées par Satoshi Kawamoto, artiste japonais et directeur artistique de Green Fingers, et un espace café.
« Le but ultime va bien au-delà de la vente »,
a récemment affirmé Andrea Cané, directeur mondial de la création Woolrich International, à Corriere Della Sera.
« Les magasins entrent dans une logique culturelle à travers la mise en œuvre de concepts expérientiels »,
observe Rodolphe Bonnasse.
La satisfaction d’une grande majorité de consommateurs qui veut que les boutiques se renouvellent constamment passe aussi par la création d’espace éphémères, de pop-up stores. L’un des plus surprenants est bourré de technologie et a été dévoilé à Chicago il y a plus de deux ans déjà. Baptisé ShopWithMe il se présente comme un «pod» autoportant et high-tech qui peut héberger simultanément plusieurs marques ou concepts. Chaque «pod» dispose de quatre espaces pouvant ainsi accueillir jusqu’à dix marques reliées par une passerelle. À l’intérieur, le design est ultramoderne, avec un plafond en thermoplastique blanc incurvé, des écrans tactiles, et un dôme central avec un environnement de réalité virtuelle pour accueillir des démonstrations sur l’une des marques présentes. Ce «magasin du futur» offre des murs d’affichage numériques personnalisables, des cabines d’essayage connectées qui descendent du plafond pour entourer le client, et créer ainsi un espace privé sur demande. Tous les articles sont dotés d’étiquettes RFID. L’espace est entièrement équipé de la technologie Rain FRID fournie par Impinj et l’expérience digitale est apportée par Inmotion.
En France aussi, les enseignes s’activent pour étonner les clients et rendre leur expérience d’achat en magasin « sans points de friction » grâce aux innovations technologiques. Etam mise ainsi sur la technologie RFID pour digitaliser ses 450 boutiques d’ici cette fin d’année. L’objectif est d’avoir une vue parfaite des stocks et de préparer le commerce de demain avec, par exemple, le paiement sans passer par la caisse.
« Le client va vouloir en magasin la même simplicité de paiement qu’il trouve en commandant son taxi Uber »,
estime Jean Bernard Della Chiesa, cofondateur de Scrambled et directeur de l’innovation du groupe Etam. Après huit mois de développement, l’enseigne s’apprête à dévoiler dans quelques jours son prototype de paiement via un sas en sortie de magasin équipé d’antennes de détection RFID. Le client qui sort de la boutique avec ses achats sera automatiquement débité.
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