La croissance du commerce électronique mondial devrait ralentir cette année avant de reprendre en 2022 mais les ventes en ligne ont atteint un niveau record en 2020, accélérées par le crise sanitaire selon l’éditeur de solutions e-commerce Shopify qui vient de publier un rapport détaillé sur les prochaines tendances du marché.
Intitulé «The future of ecommerce report 2021», ce rapport de Shopify est basé sur plus de deux douzaines d’enquêtes internes menées auprès de commerçants « Shopify Plus » opérant aux États-Unis, au Canada, en Asie-Pacifique, en Europe et au Moyen-Orient. Les données de tiers incluses dans ce rapport proviennent de Statista, eMarketer, Global Web Index, Google, IBM, Deloitte, Accenture, Gartner, McKinsey, Forrester, Nielsen et de l’Organisation mondiale du commerce. D’autres sont extraites des résultats trimestriels de Walmart, Target, FedEx, UPS, Home Depot, Lowes, Shopify, Salesforce, Adobe, Microsoft, PayPal, Nvidia et The Trade Desk et d’une vingtaine d’entretiens.
Acquérir un nouveau client en ligne coûte de plus en plus cher
La première tendance est née d’un constat : désormais les consommateurs du monde entier alimentent le commerce électronique. Cette année, la croissance devrait cependant être inégale selon les pays. Aux États-Unis, les experts tablent sur un ralentissement à 7,8 % alors que les ventes au détail des magasins physiques rebondissent. En Asie-Pacifique, en Europe et au Moyen-Orient elle devrait être plus rapide. Ce sont près de 150 millions de personnes à travers le monde qui ont fait des achats en ligne pour la première fois pendant cette période de crise sanitaire et leur nombre ne fera qu’augmenter.
Avec les initiatives des grossistes traditionnels qui développent désormais leurs sites couplés avec celles des géants mondiaux comme Walmart, la concurrence s’intensifie de toute part entrainant une explosion des coûts publicitaires. Acquérir un nouveau client en ligne peut atteindre aujourd’hui plus de 30 dollars. «La concurrence vient également de l’étranger. Avec la diffusion de COVID-19, les consommateurs ont commencé à faire leurs achats en dehors de leur pays d’origine. Le commerce électronique transfrontalier enregistre un pic de 21 % de janvier à juin 2020 comparé à la même période de l’année précédente, les ventes en ligne de produits de luxe ayant augmenté de 39 %», notent les auteurs du rapport. Selon des données de Shopify, ce sont les États-Unis qui occupent la tête du classement sur ce marché du commerce électronique transfrontalier, suivis par la Chine et le Canada. Le prestataire révèle que le nombre de demandes de traduction a augmenté de 3309 % dans le monde entier pendant la pandémie.
L’expérience client en ligne passe de plus en plus par le mobile
Selon les chiffres de Shopify, les enseignes qui ont déployé une stratégie omnicanal ont pu remplacer 94 % des achats perdus en magasin au cours du premier mois de la pandémie par les ventes en ligne. Mais un fossé s’est creusé entre les marques qui vendent en direct (DTC) et ont déjà développé leurs sites et les plus récentes sur ce marché, soit 38 % des plus grandes entreprises selon ce rapport. «Pendant la pandémie, les marques qui vendent en direct aux consommateurs et qui disposent d’une bonne expérience dans l’e-commerce ont pu très rapidement et facilement faire pivoter leur stratégie marketing et leurs messages », observe Hana Abaza, directrice mondiale du marketing de Shopify Plus. «Elles n’ont pas eu à repenser fondamentalement leur modèle commercial». Cette expérience client passe aussi par le mobile qui pèse désormais 50 % des ventes mondiales de commerce électronique. Mais les études montrent par ailleurs que 53 % des consommateurs abandonnent un site s’il prend plus de trois secondes pour être téléchargé sur leur smartphone. Pire encore, les taux de rebond des téléphones mobiles sont systématiquement plus élevés que ceux des ordinateurs de bureau.
Les exigences des clients se renforcent
L’une des autres tendances pointées dans ce rapport est liée aux comportements des nouveaux consommateurs. Ils achètent désormais en ligne des produits rarement achetés sur ce canal auparavant, comme l’épicerie, la santé et l’hygiène, des articles de première nécessité pour la maison, et remodèlent ainsi l’avenir du commerce. «Plus que jamais, les achats de ces derniers mois ont été dictés par les besoins des consommateurs plutôt que par la volonté des commerçants de leur vendre tel ou tel article», estime David Moellenkamp, directeur de l’automatisation de Shopify Plus ajoutant que «au cours des derniers mois, nos commerçants ont gagné en intelligence et ont été capables de comprendre leurs attentes, l’importance de la sécurité, leur désir de praticité et d’immédiateté». Selon une étude de Statista, les bonnes raisons d’acheter un article en ligne sont ainsi la possibilité d’être livré à domicile (63%), de bénéficier de meilleurs prix (57%), de réaliser des achats de manière plus pratique (54%) et d’accéder à des produits disponibles au bon moment (50%). «Les marques doivent s’adapter au risque de devenir inutiles. Jamais le consommateur n’a attendu davantage des entreprises. Ils veulent acheter en ligne, mais ils s’attendent aussi à ce que ce soit rapide et pratique».
Des habitudes qui vont se poursuivre
Sur les 75 % de consommateurs qui disent avoir essayé différentes marques en ligne pendant la pandémie, 60 % déclarent qu’ils continueront à les acheter sur Internet ou en magasin. «D’autres habitudes devraient se poursuivre, comme les paiements par mobile ou les appels en vidéo. Mais cette adhésion dépendra aussi du degré de satisfaction des consommateurs». En Italie par exemple, 60 % des achats ont été effectués en ligne pendant la pandémie, mais moins de 10 % des clients ont été satisfaits de l’expérience. La tendance est inverse chez les Finlandais.
Shopify préconise aux entreprises de se concentrer sur la création d’expériences numériques innovantes qui facilitent la vie des clients. «Commencez par faire en sorte que vos clients puissent faire des affaires avec vous où ils le souhaitent», souligne Robert Hein, gestionnaire d’expérience au service marchand de Shopify Plus. En plus de connecter la caisse en ligne au point de vente, de proposer des options de « click and collect » et de livraisons à domicile depuis les magasins, de permettre aux clients de sauvegarder leurs informations de paiement et d’expédition ou de leur offrir la possibilité de payer les produits en plusieurs fois grâce à la formule « acheter maintenant, payer plus tard », Shopify incite aussi à expérimenter la réalité augmentée. «Aider les clients à mieux voir la taille d’un article dans un environnement, à l’échelle et avec les détails de votre produit, entraîne des conversions. Combinée à la fonctionnalité AR, la modélisation 3D permet aussi aux consommateurs d’essayer avant d’acheter. En plus de ces expériences réalistes à 360 degrés pour réduire les retours, les e-commerçants doivent créer des événements de shopping en live».
De nouvelles plateformes à tester
Bien que plus populaires en Chine, ces événements de shopping en direct devraient générer 25 milliards de dollars aux États-Unis d’ici 2023. Amazon et Facebook testent des plateformes de vente en direct. Levi’s et Tommy Hilfiger organisent des ventes similaires à celles de la chaine de téléachat QVC. Les téléspectateurs peuvent chatter avec des conseilleurs et des stylistes, puis cliquer sur les articles à acheter. Il s’agit aussi d’automatiser les remises et les promotions, avec des prix différenciés pour les achats en gros, de pré-calculer les frais d’expédition avec de la gratuité pour les clients du programme de fidélité VIP. «Emmenez vos clients dans les coulisses pour mieux comprendre votre marque ou votre produit. Faites faire à votre public une visite virtuelle de votre laboratoire, de votre usine, de votre bureau ou de votre cuisine d’essai». Shopify cite en exemple la marque de vêtements Knix qui a lancé une cabine d’essayage virtuelle avec un conseiller qui aide les acheteurs à prendre leurs mesures en ligne et qui a organisé une vente virtuelle depuis son entrepôt aboutissant à des achats réalisés par 35 000 personnes dans les 10 minutes suivant la mise en ligne de la vente.
La rapidité d’exécution face à des coûts en hausse
L’autre tendance à laquelle les marques devront être attentives pour se différencier porte sur la rapidité d’exécution et sur le fullfilment. Au niveau mondial, 64 % des consommateurs souhaitent que leurs commandes soient expédiées gratuitement, 67 % des Américains s’attendent à des livraisons le jour même, le lendemain ou dans les deux jours. La majorité des consommateurs aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Chine, en Allemagne, en France et au Japon estiment que gratuité de la livraison aura une grande incidence sur leurs achats. 65 % des consommateurs vérifient les seuils de gratuité avant d’ajouter quelque chose à leur panier. Shopify montre également à travers ses propres données que le nombre de marques offrant la livraison gratuite a augmenté de 5,3% depuis le début de la pandémie.
Ils sont aussi 72 % des consommateurs mondiaux à souhaiter que les marques utilisent des emballages durables. «Le consommateur d’aujourd’hui veut que le transport soit non seulement rapide et gratuit, mais aussi écologique. Par ailleurs les consommateurs du monde entier sont davantage enclins à acheter auprès d’entreprises ayant une réputation de responsabilité environnementale».
Toutes ces attentes ont des conséquences sur les coûts. À l’échelle mondiale, FedEx a annoncé une augmentation moyenne de ses tarifs de 4,9 % pour 2021 et prévoit également de les augmenter pendant les pics d’activité. UPS facture également des frais plus élevés. Les relations américano-chinoises qui ont été mises à l’épreuve et le Brexit, ajoutent également à la complexité. Plus problématique encore, les consommateurs attendent de plus en plus des retours gratuits. Le coût total des retours dans le monde entier a récemment dépassé 1 000 milliards de dollars et les retours du commerce électronique aux États-Unis devraient connaître une forte hausse. En raison de la crise sanitaire, 40 % des détaillants ont du ajuster leurs politiques de retour qui sont en hausse. Les organisations souhaitent améliorer ces processus au cours des 24 prochains mois et proposent également de nouvelles options de gestion des commandes, comme le « click and collect » ou le ramassage en bordure de trottoir (curbside pickup). Shopify estime que près de 100 000 marques dans le monde ont commencé à offrir cette dernière option pendant la pandémie.
Les marques sous la coupe de marketplaces plus puissantes
La quatrième tendance détectée par Shopify est l’explosion des places de marché. Près de 2000 milliards de dollars sont dépensés chaque année sur les cent premières places de marché. Face à cet essor, les détaillants comme Target ou Walmart entrent dans le circuit. Google attire agressivement les commerçants d’Amazon. «Si les marketplace sont des portes d’entrée pour la découverte des marques, les consommateurs ne viennent pas pour y rechercher des marques. Sur Amazon, les parcours d’achat commencent par les catégories, les bénéfices apportés. 70% des recherches ne comportent pas de nom de marque et près de 90% des vues de produits Amazon résultent d’une recherche, et non d’une marque». Pour se différencier là encore, les marques n’ont pas d’autre choix que de donner la priorité aux expériences personnalisées. «L’expérience avec le contact humain est l’antidote aux places de marché. Ce qui est clair c’est que les consommateurs récompensent de plus en plus les organisations qui humanisent le parcours d’achat».
La fin des cookies tiers
Les coûts d’acquisition qui augmentent dans le monde entier, sur tous les canaux vont aussi obliger les marques à fidéliser. Les dépenses publicitaires numériques devraient augmenter de 13 % cette année. Les coûts sur Facebook ont bondi et se trouvent à un niveau proche des sommets pré-pandémiques. Fin 2020, les recherches payantes ont atteint un pic de 17 % et la publicité sur les réseaux sociaux payante a augmenté de 24 %. Par ailleurs la méfiance s’est installée parmi les consommateurs. Un tiers d’entre eux pensent que les publicités numériques sont trop intrusives. Les cookies tiers sont également devenus des éléments essentiels pour les spécialistes du marketing digital. 62 % des marques s’appuient sur eux pour reconnaître et cibler les utilisateurs sur l’ensemble des canaux. Mais leur mort est annoncé. Google va les supprimer progressivement de son navigateur Chrome d’ici 2022. Apple s’apprête également à rendre la tâche plus difficile aux annonceurs sur Facebook.
«J’espère qu’ils trouveront un moyen de préserver la publicité pertinente pour tous les annonceurs et les plateformes publicitaires de Chrome. Quoi qu’il en soit, nous devons nous préparer à un monde sans cookies tiers», estime Jeff Green, le PDG du Trade Desk. Pour se préparer, les marques explorent de nouveaux canaux comme le commerce vocal (qui dépassera les 40 milliards de dollars aux États-Unis d’ici 2022), les télévisons connectées (dont les dépenses publicitaires devraient connaître une croissance à deux chiffres au cours du premier semestre) et se concentrent sur leurs clients existants. Le commerce vidéo se développe également sur d’autres écrans comme Instagram qui construit un nouveau commerce électronique dans Reels, le rival de TikTok. Facebook explore également le chat comme un moyen de faire des achats avec des capacités in-app dans WhatsApp.
«Bien qu’il soit important de capter de nouveaux clients, la concurrence croissante pour attirer l’attention en ligne a renforcé l’intérêt de conserver les clients existants. La rétention a dépassé l’acquisition et la conversion comme une priorité absolue pour de nombreuses entreprises». Historiquement, une amélioration de la rétention de 5% augmente les profits de 25% à 95%, et 78% des consommateurs aux États-Unis déclarent qu’un programme de fidélisation les encourage à acheter davantage auprès des marques. Les modèles par abonnements (qui ne touchent que 15 % des acheteurs en ligne) se développent : 75 % des entreprises qui vendent en direct proposeront des abonnements d’ici 2023.
«Au final, l’objectif est d’augmenter la valeur d’un client tout au long de sa vie. Commencez par identifier vos clients les plus précieux, et les voies de conversion qu’ils ont empruntées. Cela vous permet de se concentrer sur les parcours qui conduisent à une clientèle de meilleure qualité. Cartographiez ces parcours tout au long de leur cycle de vie. Découvrez combien de temps il leur faut pour faire un deuxième, troisième ou quatrième achat (…). Lancez un programme de récompenses pour fidéliser les clients. Les clients qui s’inscrivent ont 47 % plus de chances d’effectuer un deuxième achat ». Shopify cite ici l’exemple de la marque de lingerie ThirdLove qui a mis en place des programmes de récompenses à plusieurs niveaux pour inciter les plus grands dépensiers à acheter encore plus. La marque utilise des données propriétaires pour cartographier le cycle de vie du client et offrir les bonnes incitations au bon moment comme avec le Fit Finder, une plateforme qui aide des millions de femmes qui ont transmis leurs dimensions à trouver leur taille parfaite. Cette approche aurait fait augmenter le chiffre d’affaires de 347 % par rapport à l’année précédente et le taux de réachat des clients de 62 %.
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