Malgré une succession de crises sur ces cinq dernières années, la consommation des ménages a bien résisté en Europe selon la dernière étude de l’Observatoire du Cetelem mais la prudence reste de mise et le moral des Français n’est pas à la fête.
Selon l’étude de l’Observatoire du Cetelem menée en novembre 2024 dans dix pays d’Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni et Suède) auprès de 10 792 personnes dont plus de 3 000 en France, le moral des Européens continue à lentement se redresser en 2025, et ce pour la seconde année consécutive. Mais cet optimisme concernant leur situation personnelle avec une note semblable à la période pré-crise du Covid-19, ne concerne pas les Français qui délivrent la note la plus basse. Sur une échelle de un à dix, la perception de la situation globale de la France s’établit à 4,6 points cette année, contre 4,9 points en 2024 (contre une moyenne de 5,2 points pour l’ensemble des consommateurs interrogés).
«Au-delà de la tendance historique des Français à être moins optimistes que la moyenne européenne, ce résultat met en avant une cassure nette pouvant s’expliquer par le contexte politique incertain dans lequel le pays a navigué l’an dernier», notent les auteurs de l’étude.
Des inquiétudes toujours vives mais un pouvoir d’achat qui s’améliore
Côté pouvoir d’achat, les choses s’améliorent. Si en 2024, 48 % des Européens estimaient qu’il avait baissé au cours des 12 derniers mois, ils ne sont plus que 39 % à le penser cette année. Tandis que plus de la moitié jugent qu’il a augmenté ou qu’il est resté stable. Même si les inquiétudes restent vives encore une fois en France, mais aussi au Portugal, où respectivement 48 % et 43 % des répondants estiment que leur pouvoir d’achat a diminué. Ces résultats marquent un net recul par rapport à 2024, notamment au Portugal (-15 points ; -7 points en France).
«L’augmentation des rémunérations peut expliquer cette amélioration de la perception du pouvoir d’achat des Européens. En 2024, les salaires ont en moyenne progressé de 5,4 % dans l’Union européenne entraînant une hausse de 3 % du pouvoir d’achat, une fois l’inflation déduite. Cependant, cela ne compense pas encore la perte de 5 % enregistrée depuis 2021.»
Un sentiment d’inflation qui persiste
Malgré cette amélioration, les Européens restent prudents pour leurs achats. Ils ne semblent pas partager l’optimisme des experts économiques qui soulignent une maîtrise de l’inflation plus rapide qu’attendu. En effet, ils sont 45 % à penser que les prix ont «nettement augmenté» en un an, un chiffre en forte baisse (-14 points sur 1 an, -24 points sur 2 ans). Une fois n’est pas coutume, la perception des Français est plus mesurée. Ils sont 36% à juger que les prix ont augmenté.
Avec 43 % des Européens qui envisagent d’augmenter leurs dépenses en 2025, le contexte de consommation est marqué par la prudence. Les intentions varient toutefois selon les pays : quatre pays revendiquent des intentions consuméristes à la hausse, alors que six pays anticipent une baisse. En France, malgré un résultat inférieur à la moyenne européenne, les intentions d’achat progressent légèrement pour atteindre 41 % (+1 point sur 1 an). Cet indicateur avancé de la consommation des ménages indique que l’année 2025 devrait être marquée par une légère hausse de ce moteur de l’économie européenne.
Les intentions d’épargner, une tendance en croissance depuis 2019, sont toujours fortes. Plus de la moitié (55 %) des Européens souhaitant mettre davantage d’argent de côté, soit une hausse de quatre points par rapport à 2024. Les Français se démarquent mais avec cette fois des intentions d’épargne moins élevées (à 43 % en France, soit +1 point sur 1 an). C’est le seul pays avec la Belgique (47 %) en dessous de la moyenne européenne.
Globalement cette attitude de précaution des Européens s’explique «notamment par la volonté de conserver une latitude budgétaire, alors que les déficits publics ont rarement été aussi élevés, laissant craindre d’éventuelles hausses d’impôts susceptibles de peser sur le pouvoir d’achat».
La consommation, porteuse d’impressions négatives
La consommation a par ailleurs une image plutôt négative. Cette perception de la consommation «porteuse d’impressions négatives » est particulièrement prononcée au Portugal (76 %) et en France (70 %). «Faut-il y voir un lien avec le sentiment de culpabilité qu’elle pourrait générer, la perception globale de la consommation est porteuse d’impressions négatives pour six Européens sur dix. Par ailleurs, le champ lexical qui reflète le mieux la vision actuelle des Européens sur la consommation traduit ce ressentiment : elle évoque avant tout le gaspillage (pour 23 % des personnes interrogées) et l’excès (16 %). Pour autant, avec une note moyenne de 5,3 sur 10, les Européens estiment sagement consommer juste comme il faut, ni trop, ni trop peu, tels des stratèges de la consommation, aux choix mûrement réfléchis.»
Il n’empêche. Pour plus de sept Européens sur dix (73 %), la consommation a augmenté par rapport à il y a 10 ans, un constat partagé dans tous les pays, bien que les Français se montrent plus réservés (66 %). Cependant, lorsqu’il s’agit d’évaluer leur propre consommation, les avis sont plus nuancés : moins de quatre sur dix (38 %) estiment avoir consommé davantage sur cette même période. Et cette fois, les variations d’un pays à l’autre sont beaucoup plus marquées : 52 % des Roumains et 51 % des Portugais partagent ce sentiment, contre seulement 32 % des Français (32 %) et 29 % des Allemands (29 %).
«En résistant à la surconsommation, les Européens s’inscrivent dans une démarche perçue comme vertueuse, en lien avec les préoccupations liées au développement durable. Les sur-consommateurs, c’est forcément les autres. Une posture vertueuse qui n’exclut pas un sentiment de culpabilité qui empêcherait de déclarer une consommation personnelle en hausse.»
Des contraintes budgétaires qui génèrent déception et frustration
Se faire plaisir et assurer son confort sont les deux principales motivations d’achat des Européens, citées respectivement par 84 % et 83 % des répondants. Le plaisir passe avant tout par l’évasion : un tiers d’entre eux (33 %) privilégient en premier lieu les voyages et les escapades.
Dans l’ensemble, les Européens estiment avoir une bonne maîtrise de leurs postes de dépenses, qu’il s’agisse d’abonnements et de services (85 %), d’assurances (83 %), de dépenses contraintes (82 %), loisirs (81 %) ou alimentaires (79 %). Cette gestion du budget est d’ailleurs considérée comme la principale source de fierté en matière de consommation (83 %), suivie par la capacité à réaliser de bonnes affaires (82 %). Consommer de façon responsable et se faire plaisir obtiennent des scores similaires (77 %), preuve que ces notions peuvent coexister pour les Européens.
Néanmoins, près de six Européens interrogés sur dix (58 %) jugent ne pas avoir les moyens de consommer comme ils l’entendent ou doivent adopter des stratégies pour y parvenir. De plus, près de sept sur dix (67 %) déclarent ne pas disposer de ressources financières suffisantes pour satisfaire leurs envies. Ces contraintes budgétaires ne génèrent pas seulement de la déception, mais aussi de la frustration : 86 % des Européens, dont 84 % des Français, affirment avoir déjà ressenti cette frustration qui les a empêchés de pouvoir acheter ce dont ils avaient envie, et plus de la moitié avouent se restreindre au moins une fois par mois.
Consommer différemment
Si la consommation est souvent associée au gaspillage, une grande majorité des Européens interrogés estiment qu’elle reste liée aux notions de plaisir (70 %) et de bien-vivre (67 %). Cette consommation qui «fait du bien» semble faire écho à la hausse d’achats immatériels (43 % contre 37 % pour les achats immatériels) depuis la sortie de la crise du Covid-19, notamment les abonnements aux plateformes de streaming, les services divers et les loisirs.
![La consommation des ménages Europe @clesdudigital](https://www.lesclesdudigital.fr/wp-content/uploads/2025/02/Cetelem_FlavienNeuvy-300x169.jpg)
A noter que les Français sont ceux qui se restreignent le plus en matière d’achats : seuls 30 % déclarent consommer davantage de biens matériels qu’il y a dix ans, et 37 % pour les biens immatériels, à l’opposé des Espagnols (41 % et 52 %) et des Portugais (46 % et 49 %).
Malgré une consommation perçue comme en expansion et synonyme de plaisir, près de neuf Européens sur dix pourraient envisager de consommer moins, tout en cherchant à préserver leur qualité de vie (50 %). Une autre alternative privilégiée par les consommateurs interrogés semble être l’idée de consommer différemment, une perspective jugée réalisable par 74 % d’entre eux.
«Pour les Européens, la consommation est soumise à des injonctions contradictoires, entre attraction et répulsion, fierté et honte, envies et contraintes. Pourtant, elle reste largement associée au plaisir et au bien-être. Par ailleurs et en dépit d’un contexte économique peu favorable, les Européens se considèrent maîtres de leurs choix et de la gestion de leur budget. Ils s’adaptent en permanence aux contraintes économiques et font évoluer leurs habitudes de consommation. Le plaisir de consommer reste un moteur puissant pour des Européens qui laissent une place grandissante aux services dans leur budget » souligne Flavien Neuvy, économiste, directeur de l’Observatoire Cetelem.
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