Bousculé par les nouveaux modes de consommation sur Internet, le français King Jouet investit dans de nouveaux services innovants en magasin en mettant le pied sur l’accélérateur.
Il y a des secteurs où les mutations engendrées par le numérique s’accélèrent encore plus rapidement qu’ailleurs. Il faut aller vite, très vite pour ne pas disparaitre. C’est le cas du marché du jouet. En quelques années, les ventes en ligne ont progressé pour peser plus de 20% du marché. Cette croissance de la consommation sur Internet fait vaciller les plus grands. Le géant Toys’R’Us qui la subit de plein fouet sur ses terres a récemment été placé sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. En France la bataille est rude aussi. Mais des entreprises comme King Jouet prennent ces nouveaux enjeux à bras-le-corps, investissant beaucoup dans les technologies et dans la formation des équipes pour essayer de garder une longueur d’avance.
Fondée en 1875 par Augustin Gueydon dans l’Isère, King Jouet est la propriété à 51% de l’italien Toys Center (groupe Giochi Preziosi) depuis 2011 et est dirigée par Philippe Gueydon, le petit fils du fondateur. C’est lui qui impulse la stratégie digitale de l’enseigne et fait bouger les lignes. « Si le dirigeant n’est pas partie prenante dans ces changements, rien ne peut se faire », souligne Stéphane Marthe, directeur digital de l’enseigne. Numéro trois du jouet en France derrière La Grande Récré et Toys’R’Us, King Jouet s’appuie sur un réseau de 240 magasins essentiellement en France. Les deux tiers sont des succursales et les autres sont des affiliés. La vente en ligne a démarré pour sa part dès l’année 2000 avec le lancement d’un premier site marchand. Depuis, le groupe a multiplié les initiatives et récemment il a adopté une nouvelle identité graphique en accord avec sa stratégie omnicanale.
« Les consommateurs ont changé leurs habitudes en achetant en ligne. Il devient difficile de rivaliser avec des pure players comme Amazon qui propose sur son site une gamme large de 100 000 références alors que nos magasins en proposent 12 000. Mais si nous ne jouons pas dans la même catégorie, nous avons des forces que sont nos équipes en magasins. Elles sont aujourd’hui au cœur de nos dispositifs digitaux », explique Stéphane Marthe.
Très vite, King Jouet a lancé pour sa clientèle une application mobile accessible sur tablettes et smartphones en plus de son site en responsive design. Elle intègre le catalogue de Noël interactif , envoyé par ailleurs en mode papier dans six millions de boites aux lettres. « Malgré le digital, ce catalogue papier reste crucial pour la constitution des listes de Noël, notamment pour les enfants », estime Stéphane Marthe. Les enfants peuvent néanmoins faire une liste numérique, et leurs parents y accéder pour la transformer en panier d’achat sur le site marchand de l’enseigne ou la partager par e-mail. Une application de reconnaissance de jouet de type Shazam développée par EyeSnap et baptisée ToyScan, a également été lancée.
« Aujourd’hui le mobile est au départ de tout. 50% à 55% du trafic sur notre site provient du mobile. L’année dernière ce pourcentage était encore de 40% », observe Stéphane Marthe.
L’enseigne a été aussi parmi les premières à proposer un service d’e-réservation avec retrait en magasin en 2 heures. Dès 2011, les vendeurs ont pu accéder aux catalogues en ligne des sites de King-Jouet.com et BébéKing.com, dédiés aux plus jeunes jusqu’ à 12 mois, via des bornes tactiles connectées et installées en magasin. C’est la société nordiste Improveeze, spécialisée dans les solutions tactiles qui les a équipés avec sa solution Cataleeze. Le projet a été réalisé en deux mois avec Creo-Ignem, qui fournit la plateforme des sites marchands. Tous les vendeurs ont été formés – et le sont toujours – en mode e-learning.
« S’il n’y a pas le stock en magasin physique, le vendeur passe la commande sur la borne ou le smartphone et il peut proposer une livraison en magasin en 72 heures », précise Stéphane Marthe. Le paiement s’effectue en caisse avec tous les moyens de paiement classiques et il peut se faire livrer sa commande partout en France. Toutes les succursales en sont aujourd’hui équipées. Mais le « roi du jouet » ne s’arrête pas là. Il a embarqué ses fournisseurs avec lui en installant d’autres bornes à leurs couleurs. Lego peut ainsi présenter toute sa gamme et les clients accéder là encore aux articles qui ne sont pas disponibles dans le point de vente. Ils seront envoyés depuis l’entrepôt de 25 000 m2 situé à Rives avec les flux des expéditions pour les magasins, quatre fois par semaine.
« Les surfaces de nos magasins varient de 300 à 1500 m². L’objectif est aussi de baisser le nombre de références par magasin. Avec les bornes nous avons gagné 20 jours de rotation des stocks, tout en élargissant le nombre de références accessibles en magasin », assure Stéphane Marthe.
Près de 30.000 commandes ont été effectuées sur les bornes en 2016 et ce nombre avec les services de click and collect devrait être multiplié par deux ou trois cette année. En 2016, le chiffre d’affaires additionnel généré par ces services est estimé à 2%. Et le chiffre réalisé sur les bornes, réattribué aux magasins par le siège, devrait encore augmenter.
Le distributeur teste par ailleurs, dans une vingtaine de point de vente, une nouvelle application toujours développée avec Improveeze mais disponible cette fois sur les smartphones Androïd des vendeurs. « Nous avons commencé il y a un mois dans trois magasins pilotes et avons sollicité les vendeurs sur ce qu’il fallait embarquer dans cette application », précise Stéphane Marthe. En plus de l’accès au catalogue, le service permet de passer commande et d’identifier les clients. « La relation n’est pas la même qu’avec les bornes. Cette fois le vendeur est face à son client. La solution appuie son discours ». D’autres développements sont envisagés notamment d’encaissement en mobilité. « Le travail de recrutement pour notre base de données se fait aussi au niveau des magasins, grâce aux vendeurs et les smartphones devraient les aider dans leur démarche». Un programme de fidélité a également été mis en place avec l’éditeur Cylande qui déploie actuellement sa solution de gestion de point de vente dans tout le réseau. L’enseigne a également commencé à travailler cet été avec la solution de ciblage de fichier Tinyclues pour optimiser ses campagnes de marketing direct.
Pour opérer tous ces changements, King Jouet a adopté la méthode agile, accompagné par Hardis Conseil. L’éditeur, qui équipe son entrepôt avec son WMS, propose un « sprint 0 » dont les objectifs, tels qu’il les définit, sont de « démarrer rapidement sur un cas concret, procéder au cadrage fonctionnel, ergonomique, technique du projet, démontrer l’efficacité du dispositif agile mis en place et livrer rapidement un premier prototype ». Tous les services de King Jouet sont aujourd’hui concernés par ces nouvelles méthodes et incités à basculer dans ce mode projet. « Nous servons de pilote en interne sur la méthode agile pour irradier tous les services», note Stéphane Marthe qui a intégré le comité de direction il y a six mois et est entouré d’une équipe de dix personnes. Le responsable s’entretient aussi chaque semaine avec la direction des systèmes d’information qui prend les décisions sur tous les sujets plus technologiques, comme le développement du réseau wifi en magasin. Un service indispensable pour faire fonctionner l’application sur les smartphones des vendeurs.
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