Responsable de l’expansion de Shopify en Europe du Sud, Émilie Benoit-Vernay a voyagé aux États-Unis et en Asie avec le désir de découvrir d’autres cultures, avant de poser sa valise en France.
Quand elle était plus jeune, Anne Sinclair était son modèle. Pas pour son désir de rejoindre le petit écran et d’être sous les feux de projecteurs, non, elle admirait tout simplement la vivacité d’esprit et l’expertise de la présentatrice de la célèbre émission télévisée «Sept sur Sept». Cet intérêt pour les débats l’a sans doute poussée vers sa première vocation. Émilie Benoit-Vernay, aujourd’hui directrice de l’expansion de Shopify en Europe du Sud, rêvait de devenir avocate. Mais sa passion pour la langue anglaise, la conduira à suivre un double cursus droit-anglais à l’université de Nanterre. «J’avais opté pour le droit des entreprises et très vite j’ai eu envie de connaitre l’univers du business», se souvient la dirigeante. Son bi-Deug en poche, elle opte pour un cursus 100% anglophone à Skema Business School et se spécialise dès sa troisième année dans les «ventes et négociations». «J’étais de nature plutôt introvertie et je voulais sortir de ma zone de confort. Là, il fallait sans cesse argumenter, défendre ses idées, et au final j’ai beaucoup aimé. Cette découverte a marqué un vrai tournant dans mon parcours».
La capacité de saisir les opportunités
Émilie Benoit-Vernay effectue plusieurs stages, l’un au service achat d’un groupe, un autre chez IBM dans le département dédié au service public. Elle y côtoie des «commerciaux aguerris» et y approche pour la première fois le secteur IT. Après quelques courtes expériences professionnelles dans les Hauts de France, elle trouve son premier emploi au service du développement commercial de Ubiqus. L’entreprise française fondée en 1991 a démarré son activité dans la traduction de documents et commercialise aujourd’hui une gamme de services linguistiques multilingues, ainsi que ses propres solutions d’intelligence artificielle, appliquées aux langues et aux langages. «J’avais un portefeuille régional dans l’Ouest et le Nord de le France et j’allais sur le terrain à la rencontre d’une diversité d’acteurs, des assurances MMA au Mans aux Cristalleries d’Arques dans le Nord. C’était très enrichissant».
La PME qui a la volonté de s’internationaliser et de grossir en particulier aux États-Unis, a racheté des structures Outre-Atlantique. Émilie Benoit-Vernay y voit l’opportunité de découvrir le monde et propose de rejoindre les bureaux sur place avec le statut de VIE pendant 18 mois. « Je suis partie en janvier 2006 au sud de Los Angeles dans un bureau Ubiqus. Ce départ a été un grand bouleversement dans ma vie. Je côtoyais une autre culture avec la mission de représenter le siège, de structurer le branding de l’offre. Puis la personne qui était à la direction est partie et on m’a proposé de diriger les deux bureaux, de les fusionner. Nous étions une douzaine de personnes. Il s’agissait de définir la stratégie commerciale, d’échanger avec le siège en France».
Une envie de découvertes
Après quatre années passées sur la côte Ouest, Émilie Benoit-Vernay a l’envie de bouger, de découvrir l’Est. La voilà à New York à la direction d’un pôle commercial de l’entreprise, juste après la crise des subprimes. Mais après un peu plus de deux années passées dans la grosse Pomme, elle veut encore découvrir autre chose. «J’ai toujours su saisir les opportunités. Je n’avais pas envie de rentrer tout de suite en France mais le désir d’une nouvelle expatriation loin de l’Occident». L’entreprise d’origine britannique TranslateMedia qui se développe en Asie, offre justement un poste de responsable commercial à Hong Kong. «C’était un acteur de la tech qui avait une plateforme en mode SaaS, connectée aux CMS (systèmes de gestion de contenu, ndlr) et je suis partie développer le portefeuille en Asie».
Au bout de deux ans, le Vieux Continent commence à lui manquer. Elle revient et rejoint le bureau de l’entreprise à Londres pour développer le marché français, adapter des campagnes de marque, mettre la «transcréation» au service des retailers. Elle renoue aussi avec sa vie en France. «A l’été 2015, j’ai eu envie de rentrer». Une nouvelle aventure l’attend chez The Other Store (aujourd’hui The Oz). L’agence de délégation e-commerce co-créée par Candice Delorme, Yann Rivoallan et David Sobel est en pleine ascension. «Je les suivais sur Linkedin. J’ai contacté Yann, rencontré David et je les ai rejoints au pôle commercial. Ce fut une période extraordinaire. Ils avaient plus d’une vingtaine de marques en full délégation, une forte culture d’entreprise. J’ai découvert tout un écosystème, des acteurs comme Socloz, d’autres dans le paiement. Progressivement de nouvelles offres ont été introduites». Mais Émilie Benoit-Vernay qui n’a pas beaucoup soufflé depuis la fin de ses études, ressent aussi le besoin de faire une pause, de passer un peu plus de temps auprès de sa fille, tout en ayant le désir d’élargir encore son horizon. «Je me suis inscrite en cours du soir pour passer un CAP de cuisine. J’y ai appris non seulement à cuisiner, mais à m’organiser, à respecter des règles, des normes».
Participer à bâtir un éco-système
Après ces quelques mois de break, elle est contactée par Shopify. Alors que la France est le pays d’origine de la plateforme Prestashop, qui y possède une forte notoriété et que Magento y est aussi bien implanté, le CMS canadien créé en 2006 a commencé à imposer son modèle « anti-Amazon » dans le monde, permettant aux commerçants de vendre des produits sous leur propre identité. En 2018, le back-office est disponible en français. Une étape décisive pour enfin partir à la conquête de l’Hexagone. «Translate Media m’avait fait part de leur recherche. Ils avaient la volonté de recruter un profil un peu hybride. Ma rencontre avec leurs équipes a été un peu comme un coup de foudre. J’avais ma fille dans les bras. J’ai apprécié leur bienveillance».
Fin 2018, Émilie Benoit-Vernay est donc nommée à la direction pour la France. Elle est chargée de monter une équipe en rapatriant aussi des ressources francophones qui travaillaient déjà pour l’éditeur dans d’autres pays. «Nous avions au départ un positionnement entrée de marché. Puis il y a eu le Covid et l’explosion de l’e-commerce». En deux ans, le CMS aurait détrôné Prestashop avec une part de marché de 19,3% versus 15%, enregistrant une hausse de plus de 10% selon un baromètre de la Fabrique Du Net. «Nous étions 7 à 8 au départ et l’équipe a grandi en même temps que l’écosystème. Aujourd’hui Shopify a structuré une organisation régionale. L’offre s’est étendue avec Shopify Plus, est devenue plus visible et mon rôle a évolué. Nous continuons à étoffer les ressources».
Émilie Benoit-Vernay chapeaute désormais l’Espagne et l’Italie en plus de la France. «Ce qui me passionne ce sont les stratégies de «go to market», comment amener des solutions sur le marché européen, trouver les positionnements, créer un écosystème, aider au développement… j’aime aussi cette double culture et accompagner les équipes». Toutes sont en télétravail et Émilie Benoit-Vernay s’est installée à la campagne, en Rhône Alpes pour mener ses missions. «Il faut de l’empathie, de l’organisation et de la rigueur». Quand elle ne travaille pas, la dirigeante profite de son potager, de ses poules et s’occupe bien sûr de ses deux enfants. «C’est une vie simple, avec un peu moins de voyages au Canada puisque beaucoup de choses s’organisent désormais depuis l’Europe». Émilie Benoit-Vernay a par ailleurs rejoint Comète, une communauté de femmes dirigeantes et futures dirigeantes créée par Célia Senger-Louaisil, Anne-Sophie Viard et Patricia Udekwe, qui propose un format d’accompagnement collectif et d’échanges et qui permet «de prendre du recul et de grandir», estime Émilie Benoit-Vernay.
Je souhaite lire les prochains articles des Clés du Digital, JE M’INSCRIS A LA NEWSLETTER
Laisser un commentaire