Annabelle Bignon et Agnès Alazard : la passion de l’apprentissage et de la transmission

Temps de lecture : 7 minutes

un campus pour des professionnels du digital @clesdudigitalAgnès Alazard et Annabelle Bignon se sont associées dans la création d’un campus d’un nouveau genre, Maria Schools dispense des formations à destination des professionnels du digital et des débutants. Ces bonnes élèves devenues entrepreneuses ont à cœur de transmettre leur goût de l’apprentissage.

Annabelle Bignon et Agnès Alazard sont parties d’un constat simple : à l’ère du numérique, il apparaît désormais indispensable de mettre régulièrement à jour ses compétences. Les métiers d’aujourd’hui et de demain en dépendent. Mais comment susciter le désir, et surtout le plaisir d’apprendre ? Avec leur campus parisien Maria Schools, les deux femmes s’emparent du sujet à bras le corps. L’idée est de permettre à chacun de reprendre les rênes de sa carrière professionnelle en s’emparant des évolutions technologiques. Pour ce faire, le campus fondé en 2019 compte trois écoles aux spécialités propres, toutes liées aux métiers du digital et des startups : LION (nouveaux métiers du numérique et des startups), MAESTRO (métier de product owner) et HERO (storytelling). Avant d’évoquer la genèse de cette aventure entrepreneuriale commune, les désormais associées sont revenues sur leurs parcours respectifs, tous deux marqués par un goût de l’apprentissage.

Agnès Alazard : les médias, porte d’entrée vers le numérique

Pour Agnès Alazard, tout commence à Sciences-Po. En 1995, la jeune femme née à Paris débute le prestigieux cursus de sciences politiques, animée par une passion sincère à l’égard du monde des médias et des contenus. «J’étais attirée par les contenus qui permettent de faire évoluer le regard. Ce qui m’intéressait dans les médias, c’était de creuser un sujet. Les lecteurs ou auditeurs sont interpellés et questionnés par les sujets que traitent les journalistes. Cela les invite à réfléchir sur eux-mêmes. La force des contenus médiatiques est de permettre aux gens de progresser», glisse-t-elle. C’est ainsi tout naturellement que l’entrepreneuse en devenir s’est investie dans le journal de son école, avant d’enchaîner des stages dans différents magazines et journaux. Dès lors, la machine était lancée.

En 1998, Agnès Alazard met le cap sur Londres. Elle y fera un master de sociologie politique à la LSE (The London School of Economics and Political Science). A l’époque, elle envisageait encore d’embrasser une carrière dans le journalisme. Mais après réflexion, elle s’est finalement rendue compte qu’elle était davantage attirée par l’aspect business des médias. Pendant sept ans, elle travaillera donc en tant qu’adjointe internationale à la direction des ventes au sein du groupe l’Express, puis au Figaro au moment de son rachat par Serge Dassault. Le groupe du quotidien français fusionne alors avec l’Express.

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Agnès Alazard

En 2007, elle est appelée par le groupe de presse en ligne Auféminin qui lui propose un poste, là aussi en développement international. Agnès Alazard accepte, mue par le désir de prendre le virage du digital : «Je me suis rendue compte que le digital était une énorme vague qui révolutionnait complètement l’industrie. J’avais envie d’en faire partie». Au bout de deux ans, elle est nommée directrice générale. Elle œuvre ainsi à la croissance de l’entreprise avec quatre autres personnes. Celle-ci est conséquente : d’abord sur le plan externe par le biais d’acquisitions qui ont permis au groupe de s’étendre sur de nouvelles géographies, notamment en Allemagne et en Angleterre. Cette expérience professionnelle résonne chez Agnès comme une prise de conscience. La transformation des médias digitaux est en effet perpétuelle, et ce à plusieurs égards : «concernant nos savoir-faire, nos métiers, nos compétences, nos collaborateurs, nos projets…». Avant d’admettre : «Finalement, c’est ce qui a permis la trajectoire très ascendante de l’entreprise dans un univers qui était quand même très challengé par les GAFAM».

Ce constat ainsi posé, Agnès insiste sur la nécessaire révolution du modèle publicitaire : «La publicité est la première source de revenus quand on est un média digital ou gratuit. Donc quand ce modèle-là est très concurrencé, il faut le réinventer. Cette idée que la transformation est possible m’anime beaucoup. La transformation des entreprises et des collaborateurs est possible. Et surtout, elle est souhaitable. Parce qu’elle apporte énormément d’épanouissement personnel et de performances professionnelles. Quand j’ai quitté le groupe au moment de son rachat par TF1, je me suis donc rendue compte, après une petite expérience rapide par la data (chez Vectaury, ndlr), que c’était ce qui m’animait et ce que j’avais envie de transmettre».

En dehors de son activité professionnelle, Agnès Alazard fait montre d’un intérêt certain pour la philosophie. La proximité avec sa propre intériorité est pour elle essentielle. C’est d’ailleurs à ses yeux une condition sine qua non du bien-être en entreprise. Pour être à l’aise dans son travail, encore faut-il bien se connaître, ou y travailler.

Annabelle Bignon : la quête de sens

Annabelle Bignon suit quant à elle un parcours tout aussi prestigieux que son associée. Également native de la capitale française, elle passe ses années lycée entre les murs du très renommé Henri IV, avant de poursuivre ses études en école de commerce à HEC. Très bonne élève, la vie associative de son école lui fait prendre du recul sur sa scolarité : «J’aimais beaucoup travailler. J’ai adoré l’école et être sur plein de matières à la fois. Arrivée en école de commerce, j’ai profité de découvrir plein de choses, faire plein de sports, diriger des associations… Ça m’a un peu «déscolarisée» et permis de comprendre que la vie ne se limitait pas aux cours».

En sortant d’HEC, la jeune femme souhaite poursuivre dans une voie généraliste où elle se sentira «cadrée». De 2011 à 2015, elle évolue en tant que consultante au cabinet de conseil Bain & Company. Là-bas, elle s’épanouit à travers la diversité des missions qui lui sont proposées. «J’ai eu la chance d’être sur énormément de missions pour des groupes de presse. J’en ai notamment fait une importante pour les Pages Jaunes au Canada. Ce qui était très intéressant là-bas, c’était de se retrouver à travailler sur des problématiques d’énormes groupes qui tout d’un coup voyaient leur position de leader totalement contestée par des tous petits acteurs émergents. Toutes les problématiques que l’on avait pressenties quant à la prise de pouvoir du consommateur sur l’entreprise étaient là.»

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Annabelle Bignon

Finalement, Annabelle Bignon réalise qu’elle ne se projette pas dans son rôle de consultante. Elle rejoint donc l’accélérateur de start-up The Family, où elle vit un véritable choc des cultures : «Avec les grands groupes que je conseillais jusqu’à présent, j’évoluais dans un milieu assez traditionnel dans sa manière de travailler, de penser et d’opérer. Et tout d’un coup, j’étais baignée dans un écosystème où les manières de travailler et de s’exprimer étaient différentes». Elle prend alors conscience de la réalité de ses nouvelles conditions de travail, qu’elle juge plus difficiles qu’à l’occasion de son expérience chez Bain. Elle confesse à ce propos : «Chez Bain, je travaillais dans un environnement très stimulant avec des gens incroyables sur des sujets très stratégiques. On était vraiment chanceux et pour autant on avait tendance à se plaindre et à voir le verre à moitié vide».

Au sein de The Family, elle est stupéfaite de l’enthousiasme de ses collègues malgré le caractère éreintant de leurs missions. Là réside la clé dans cet apparent paradoxe : leur moteur n’était autre que le sens qu’ils trouvaient à leur travail. Pour Annabelle, c’est le déclic. Elle réalise qu’au sein des entreprises, les collaborateurs cultivant cet état d’esprit se révèlent quelque peu isolés. Ces mêmes personnes parviennent «à parler aux oreilles du COMEX qui de l’autre côté, ira convaincre les équipes, y compris les plus réfractaires au changement». La jeune femme s’interroge alors sur la manière de propager cet état d’esprit positif. Elle comprend finalement le sens que revêt la formation et, surtout, que cette dernière peut et doit se concilier avec l’activité professionnelle des collaborateurs.

Sur le plan personnel, Annabelle Bignon s’évade par le biais de la lecture. «C’est une manière de m’échapper et d’échapper au quotidien que je trouve parfaite», admet-elle. Avec une moyenne de trois livres par mois, elle tient un rythme de lecture pour le moins soutenu. Subsiste toutefois chez l’entrepreneuse la frustration de ne pas pouvoir lire tous les livres qu’elle voudrait. Et notamment des ouvrages écrits par des entrepreneurs qui, naturellement, l’inspirent. Ses goûts littéraires se révèlent assez éclectiques puisqu’elle confie lire autant de littérature moderne que classique, avec une prédilection pour les romans. La lecture constitue en fin de compte «vraiment un besoin» pour elle.

Maria Schools, néo-campus des professionnels du digital

Arrive le jour déterminant où Agnès Alazard discute avec l’un des fondateurs de The Family, par le biais d’un ami commun. En lien avec sa problématique de transformation des entreprises par les collaborateurs, il lui conseille de se renseigner sur le monde de la formation. Mais l’entrepreneuse est peu convaincue. Il faut dire que l’image qu’elle avait de ce milieu s’avérait alors peu reluisante : «Dans mon expérience, on s’ennuie un peu en formation. Cela ne sert pas à grand chose et c’est loin des problématiques opérationnelles». Déterminé à la faire changer d’avis, son interlocuteur la convainc finalement en lui parlant de formations au caractère innovant. Il lui explique également à quel point il est important d’embarquer les équipes dans le changement. Cela serait même essentiel afin que ce dernier ait lieu.

Il lui parle alors de l’école LION dédiée aux nouveaux métiers du numérique et des startups. Puis il l’encourage à rencontrer l’une de ses co-fondatrices, Annabelle Bignon. Plutôt que de discuter autour d’un café, celle-ci lui propose de venir assister à un cours. Agnès accepte. «J’ai été émerveillée. Je n’avais pas du tout l’impression d’être dans un cours. Et puis le lieu était complètement dingue : très coloré, vivant, joyeux… C’était très loin de l’idée que je me faisais d’un lieu de formation», s’enthousiasme-t-elle. Avant de louer le «discours de vérité» de l’entrepreneur qui animait le cours. Et pour cause : loin de se contenter de transmettre des savoirs théoriques, il veillait à rendre compte de la «réalité opérationnelle» des situations qu’il présentait. Cette dimension concrète, pratique des cours, séduit Agnès. Et, cerise sur le gâteau, elle relève : «De l’autre côté, je voyais des gens vraiment passionnés qui posaient des questions et étaient très engagés. Ils n’étaient pas du tout passifs-réceptifs mais acteurs-challengers».

«C’est une expérience qui change le regard que les gens vont porter sur leur métier, leurs compétences, leur manière de faire…», poursuit-elle. Ainsi le changement opère-t-il. Agnès Alazard fait alors le parallèle avec l’influence qu’ont les médias sur ses réflexions et questionnements personnels. De la même manière, la formation à laquelle elle a assisté contribuerait à faire évoluer le regard des apprenants et, par voie de conséquence, leurs manières de faire. Elle sourit : «Ca leur donne envie d’agir… ou pas».

Puis vient la rencontre avec Annabelle. Les deux femmes discutent et s’entendent immédiatement. Cette rencontre apparaît comme une évidence. Un coup de foudre intellectuel, «de valeurs, de culture, et d’envies» comme le complète Agnès. Toutes deux se rendent compte qu’elles sont animées par de mêmes idéaux. «On a l’ambition de faire en sorte que notre croissance économique aille avec le progrès humain», résume Annabelle Bignon. Naturellement, elles commencent à travailler ensemble. Les idées fusent, et les projets avec. Ainsi est donc née Maria Schools.

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