Passionnée par l’innovation et la tech, Agnès Schliebitz-Ponthus a posé ses valises il y a quelques années en Australie, devenant senior vice-présidente produit chez Fluent Commerce. Énergique, elle aime bousculer les modèles pour en faire émerger de nouveaux.
Agnès Schliebitz-Ponthus a toujours aimé les maths et les sciences. Un penchant pour ces matières qui n’est pas étonnant quand elle raconte ses origines. Elle a baigné dans une famille d’ingénieurs et rêvé d’aéronautique dès son plus jeune âge, fouillant dans le grenier de ses grands parents pour découvrir les photos de son grand père, ancien pilote, spécialisé dans les tests, qui en son temps a rencontré Saint-Exupéry. «C’était une figure dans la famille», se souvient-t-elle, admirative. Très vite elle voudra suivre sa voie, se passionnant pour les aéronefs et s’imaginant astronaute. Mais des problèmes de vue viendront contrecarrer ses projets. Après un échec pour intégrer Supaéro à Toulouse, elle suit une formation d’ingénieure à École Nationale Supérieure de Mécanique et d’Aérotechnique (ISAE-ENSMA), s’orientant vers la thermodynamique et l’énergétique. Quelque temps auparavant, cette «campagnarde», vivant dans les Pyrénées, a passé un an chez un oncle dans le Colorado. Une escapade qui lui a donné le goût des voyages, de l’indépendance et des grands espaces.
Internet ouvre la voie vers une industrie innovante
«J’ai gardé cet esprit analytique et c’est sans doute ce qui fait ma force encore aujourd’hui», estime Agnès Schliebitz-Ponthus qui a rejoint la direction de l’éditeur Fluent Commerce il y a sept ans. Son parcours d’étudiante l’amènera à passer un an à Montréal dans le cadre d’un échange avec son école. Elle réalise sa thèse sur l’aérodynamique et les ailes d’avion. Son désir d’intégrer un groupe aéronautique ne l’a pas quitté, mais l’un de ses enseignants, consultant en ingénierie, lui propose de joindre SAFT, filiale d’Alcatel spécialisée dans les batteries, en particulier celles qui sont embarquées dans les fusées et les satellites. Un premier poste qui lui permet de s’approcher au plus près de son domaine de prédilection. Elle y reste trois ans avant de rejoindre TSR, le cabinet d’ingénierie de son enseignant. Mais la période n’est plus au développement de grands projets spatiaux et tous ses camarades d’études s’intéressent davantage aux débuts d’Internet. «J’étais en contact avec des ingénieurs de mon école qui avaient rejoint Easynet. Un premier Internet café avait ouvert à Beaubourg. J’étais jeune, ambitieuse, et les industries aéronautiques étaient de grosses entreprises, avec des lourdeurs bureaucratiques, des difficultés d’évolution pour les femmes. Je savais déjà que ma voie y serait longue et semée d’embuches tandis qu’Internet ouvrait vers une industrie innovante et me laissait entrevoir son énorme potentiel».
Agnès Schliebitz-Ponthus décide donc de retourner aux États-Unis. Elle suit d’abord une formation accélérée pour un Euromaster télécom et système d’information proposé par CITCOM, une filiale du groupe France Telecom Multimédia. Une transition qui va rapidement la plonger dans ce nouveau monde de l’internet et des technologiques qui y sont associées. «Je ne voulais pas faire des logiciels de gestion et j’ai trouvé la boite parfaite. Il s’agissait de Webnet, spin-off de Picodata». Elle commence comme développeuse web, évolue comme cheffe de projet et d’équipe et devient manager et consultante principale pour ce pionnier du Web en France qui réalisera notamment le premier site du groupe Total et le premier intranet de France Télécom. «Je me suis retrouvée avec une petite équipe, des amis qui vont créer la tech française comme le futur fondateur de Fasterize (Stéphane Rios, ndlr). Il y avait une ambiance incroyable. On créait des protocoles, des serveurs http, des nouveaux modèles UX… J’ai travaillé aussi sur plusieurs projets, dont ceux de la Poste. Il fallait monter des savoirs et de nouveaux métiers».
Un parcours à « l’école » Amazon
Son modèle s’appelle déjà Amazon qui la recrutera quelques mois plus tard. Denis Terrien, aujourd’hui CEO de Salesforce EMEA Sud et Centre, a été chargé de constituer la filiale du pure-player en France. Elle y commence discrètement comme responsable de la production du site et participe à sa re-localisation dans l’Hexagone, imagine les mécanismes pour la publication des contenus, gère les interfaçages avec les autres sites d’Amazon, recrute une équipe. «Nous étions considérés comme très innovants en France sur ce système de localisation». Invitée par le groupe aux États-Unis, Agnés Schliebitz-Ponthus dirigera une partie des équipes internationales pour lancer le site au Canada. «C’est sans doute la période de ma vie professionnelle la plus riche. J’ai travaillé avec des génies. Je me sentais leader en France et comme un petit poisson aux États-Unis. Amazon avait encore une dimension modeste mais était déjà très en avance dans la tech. J’ai fait du mode Agile avant qu’on ne l’appelle ainsi et participé aux fondations de l’Agile Manifesto. Ce modèle avec beaucoup d’innovations issues du terrain n’existait pas encore».
Des premiers en entreprenariat
C’est aussi chez Amazon à Seattle qu’elle rencontre celui qui deviendra son mari (dont elle a divorcé depuis) et qui est alors en charge du développement du site en Allemagne. Après un mariage éclair à Las Vegas, après avoir vécu aussi la pression car «un manager n’est pas grand chose chez Amazon, ce sont les tech qui comptent», le couple décide de partir pour l’Australie. «Nous cherchions un pays anglophone, lui ne parlant pas le français et moi ne maitrisant pas l’allemand». Mais avant ce grand départ, ils reviennent en Europe pour une période de transition. Agnès Schliebitz-Ponthus met au monde sa fille, fait ses débuts comme consultante au service notamment du laboratoire pharmaceutique Merck Sharp & Dohme pour son programme Univadis. Il s’agit de créer un portail web dédié aux professionnels de la santé sur abonnement, dans plusieurs grandes régions du monde, accessible en 18 langues. Elle aide aussi le site RueDuCommerce à démarrer sa stratégie d’internationalisation.
Ces diverses expériences, en particulier chez Merck et chez Amazon, la poussent avec son mari à créer leur propre entreprise tech «branchée open source». Arrivés à Sidney, ils lancent leur CMS (système de gestion de contenu) avant WordPress, baptisé Translucid, nom de leur société qui deviendra ensuite Pantha Corp. «Au début nous n’avions pas réussi à imposer notre CMS mais nous nous sommes fait connaitre». Agnès Schliebitz-Ponthus est alors recrutée par NewsCorp (groupe Murdoch) pour concevoir le portail de recrutement CareerOne qui fusionnera quelques temps plus tard avec Monster.com. Leur entreprise Pantha Corp a quant à elle été engagée pour fournir des développeurs de logiciels. Elle a acquis une petite notoriété sur les sujets de transformation en mode agile, sur la méthode Devops, les stratégies de développement de produits avec MVP (minimum viable product), les infrastructures cloud. Elle a créé la première application web pour l’aéroport de Sidney, transféré des nouvelles technologies sur le territoire comme Mirakl. «Mais nous avions beaucoup grossi sur nos fonds propres et il nous fallait trouver des investisseurs». Pantha Corp sera un peu plus tard acquise par Bulletproof qui s’est spécialisée dans ce domaine.
Un goût constant pour l’innovation
Plusieurs rencontres ont jalonné son parcours à commencer par sa tante Martine Morel qui est aussi une entrepreneuse et a été continuellement «une source d’inspiration» depuis son plus jeune âge. Mais elle cite aussi Anne Krook, croisée chez Amazon, alors en charge des projets de lancement internationaux et Menno Rientjes, ex directeur e-marketing EMEAC de Merck Sharp & Dohme en 2002 qui l’a soutenue quand elle a démarré son parcours de consultant freelance. A Sidney, elle se lie d’amitié avec Mehdi Fassaie, fondateur de ParcelPoint, une entreprise qui vend des services aux e-commerçants pour les livraisons et la collecte de colis et propose une plateforme logicielle. Parmi ses grands clients, l’enseigne alimentaire Wooolworths, intéressée davantage par leur software que par leurs services de livraison, poussera le fondateur à créer Fluent Retail qui deviendra plus tard Fluent Commerce, éditeur notamment d’un moteur d’orchestration des commandes. Agnès Schliebitz-Ponthus rejoint l’équipe dirigeante et occupe plusieurs fonctions avant de devenir senior vice présidente produit pour prendre la responsabilité de la direction stratégique de la solution. «Nous faisons partie de ces nouveaux acteurs innovants sur le marché. Nous sommes aussi parmi les fondateurs de la Mach Alliance et misons sur une stratégie de partenariat. Onboarder des partenaires fait partie des gros chantiers que j’ai menés. Mon souhait est de voir Fluent accéder à une reconnaissance mondiale».
Pas question pour la dirigeante de s’arrêter dans son élan tant son goût pour l’innovation et la «disruption» est puissant. « Mon but ensuite est de m’investir dans l’humanitaire et la lutte contre le changement climatique. Je mène des projets en parallèle dans la tech au service de l’agriculture pour accélérer la transition écologique. Après mon parcours dans le numérique je me sens particulièrement concernée et je voudrais laisser une trace positive sur la planète ». Elle donne notamment de son temps au projet Marguerite Régénération qui vise à amplifier la régénération des sols et la biodiversité. Elle en garde aussi un peu pour se consacrer à des voyages en moto, mais aussi pratiquer le surf et le snowbording, une passion de l’outdoor et pour le sport née de son passé de montagnarde.
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Bravo Marie Agnès que de chemin parcouru depuis les batteries