Stéphanie Hospital a bâti une partie de sa carrière à l’intersection du monde de l’innovation technologique et des nouveaux usages, avec toujours une dimension très internationale. Via son fonds d’investissement OneRagtime, elle met aujourd’hui toute son énergie au service des startups technologiques en phase de démarrage.
A 18 ans, Stéphanie Hospital se rêve biologiste marin pour aller explorer le monde. Le destin en décide finalement autrement. Entre une prépa HEC à Bordeaux et un cursus de biologie, la future entrepreneuse originaire de Châtellerault tranche pour la première option. La «voix de la raison», souffle-t-elle. Ce cursus prestigieux l’amène au pied des montagnes, à l’Ecole de Management de Grenoble. La jeune femme, éprise de voyages, décide d’embrasser une carrière dans le marketing international.
Elle s’envole donc pour la Guadeloupe où elle sera stagiaire responsable des exportations pour une eau minérale. Puis elle enchaîne avec un autre stage, dans un univers radicalement différent : celui de l’audit et de la comptabilité. L’un de ses beaux-frères, qui travaillait alors chez Arthur Andersen, lui permet d’intégrer le cabinet. Mais l’expérience est décevante pour l’étudiante d’alors. Paradoxalement, elle y décroche une promesse d’emploi… qu’elle finira par accepter, faute d’avoir pu concrétiser son projet de MBA (Master in Business Administration) à l’Université George Washington. Stéphanie Hospital revient sur les raisons de cet échec : «Ma passion du ski et ma première année peu assidue en école de commerce m’ont valu des notes de comptabilité éliminatoires».
A l’issue de deux années d’audit chez le géant Arthur Andersen, elle part en mission de consulting à l’occasion de la Coupe de l’America (compétition nautique internationale à la voile, ndlr). Parrainée par l’un des associés de son entreprise, elle aidera l’équipe en charge du défi. Là-bas, l’entrepreneuse en devenir accompagne ses collègues dans la structuration de leur plan d’affaires. Elle enchaîne ensuite d’autres missions de conseil, avant de reprendre le large à l’occasion d’un congé sabbatique. A son retour, Internet est en pleine expansion. Les années 2000 marquent le début de sa carrière dans le digital.
Wanadoo comme tremplin professionnel
Forte de son expérience en audit, Stéphanie Hospital se propose d’animer un séminaire pour l’équipe financière de Wanadoo. A l’issue de sa présentation, elle est abordée par son client qui l’encourage à rejoindre l’ancienne filiale d’Orange. Dès lors, un choix cornélien s’impose. Car parallèlement, Arthur Andersen lui propose de s’expatrier à San Francisco pour y faire du business consulting. «Le réseau ou ma peur d’aller trop loin m’a fait choisir Wanadoo, ce que je n’ai pas regretté après, d’ailleurs.» Ainsi se retrouve-t-elle propulsée, en 2001, à la direction financière de l’entreprise. Elle y travaille pour Olivier Sichel, Nicolas Dufour, Paul-François Fournier ou encore José Gonzalo, «toute cette équipe qui a essaimé à la BPI ou à la Caisse des Dépôts».
Ses envies de voyage sont comblées. Elle exerce à l’étranger pour s’occuper de projets d’acquisition de filiales ou de réunification d’entités comme Orange et Wanadoo en Angleterre et aux Pays-Bas. En Espagne, elle contribue à l’acquisition d’Eresmas par Wanadoo. Cette fusion donne naissance à Orange Espagne. Avec son collègue Paul-François Fournier, Stéphanie Hospital monte «ce qui est aujourd’hui le technocentre d’Orange grâce à des équipes qui se projetaient dans des nouveaux territoires de conquête autour du digital».
La dirigeante poursuit son ascension jusqu’à occuper le poste de vice-présidente digital du groupe. Elle y travaille là aussi sur des problématiques d’investissement, d’acquisition et de développement de sociétés. Si elle estime avoir bénéficié chez Orange d’un environnement très bienveillant «où il n’y avait pas de plafond de verre pour les femmes», elle loue également l’ouverture d’esprit de ses patrons Paul-François Fournier, Xavier Couture et Raoul Roverato, «qui valorisaient les profils qui n’étaient pas dans le moule Orange».
Le virus de l’entreprenariat
Très tôt, l’opérateur historique est confronté à la concurrence des nouveaux acteurs d’Internet. Parmi ces nouveaux services, WhatsApp interpelle la cheffe d’entreprise. «Nous l’avons vu arriver en Afrique et nous sommes dit : « C’est bizarre, ce petit acteur est en train de cannibaliser toutes les communications SMS »». Elle prend conscience de la puissance de ces sociétés qui grossissent rapidement jusqu’à s’internationaliser, tout en étant «très centralisées dans leur production de services, avec leur approche plateforme». Elle n’en doute pas : l’avenir est sous ses yeux.
Sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’elle participe à un partenariat entre Orange et le réseau social Twitter, alors à l’intersection du monde de l’innovation technologique et des nouveaux usages, avant de devenir la puissance que l’on connaît, attirant aujourd’hui des acquéreurs tels qu’Elon Musk. A l’époque, les équipes d’Orange à San Francisco ne réunissent qu’une trentaine de personnes. Le potentiel immense que représente le fournisseur d’accès à Internet l’interpelle à nouveau. «Et j’ai très vite eu envie d’entreprendre», se souvient-elle.
Son choix se confirme au travers de son expérience professionnelle en Israël où Orange a des prises de participation dans des sociétés. Elle y rencontre beaucoup d’entrepreneurs qui l’inspirent. «J’étais impressionnée par le fait qu’un pays aussi petit ait très vite donné naissance à des géants internationaux de la tech», ajoute-t-elle. A partir de là, Stéphanie Hospital décide, elle aussi, de se lancer dans la création d’entreprise.
OneRagtime, l’aboutissement d’une carrière internationale
En 2014, elle effectue un voyage d’affaires à New York, toujours dans le cadre des prises de participation par Orange (auprès de Deezer et DailyMotion). Elle y rencontre l’ex-PDG de Vivendi Jean-Marie Messier, qui accompagne le groupe de télécommunications. Le courant passe, ils décident de collaborer. Elle confie au banquier d’affaires son désir de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Il acquiesce et l’encourage à revenir vers lui le moment venu. Ce qu’elle fera quelques mois plus tard, une idée en tête. Immédiatement, il lui assure qu’il en sera si le projet se concrétise. «Il m’a donné l’élan nécessaire», glisse-t-elle.
Ainsi naît OneRagtime, deux ans plus tard. Ce fonds d’investissement dont elle est la fondatrice, mais également la CEO, investit dans des sociétés technologiques de taille modeste : de deux à dix collaborateurs. L’objectif ? Chasser les entreprises à haut potentiel. A son démarrage, il ne s’agissait que d’un concept tenant en quelques lignes. OneRagtime a depuis financé une quarantaine de sociétés en cinq ans parmi lesquelles Jellysmack, Medium, Loopsider, MatchTune ou encore Zenly. Il a également contribué à la création de plus de 1500 emplois. L’entrepreneuse qui depuis a rejoint le board de France Digitale se réjouit : «Nous avons un joli portefeuille de projets, une belle dynamique de développement et une super équipe». Pas question de lâcher l’affaire donc. Elle espère même qu’il devienne le fonds de référence en Europe. «Nous étions jusqu’à présent plutôt focalisés sur des investisseurs privés, des familles, des entrepreneurs. Maintenant, nous nous tournons de plus en plus vers les institutionnels pour augmenter notre capacité d’investissement. Et nous allons davantage internationaliser le modèle».
Cette dimension internationale constitue d’ailleurs l’ADN de OneRagtime : «Je souhaitais être en mesure d’aller sourcer des sociétés dans plusieurs pays, de les accompagner en business développement et de leur apporter un accompagnement opérationnel et développement». Initialement implantée à Londres, Paris et Barcelone, l’entreprise se concentre aujourd’hui sur ces deux dernières villes, Brexit oblige. Elle fait également la part belle aux nationalités étrangères au sein de ses équipes. Sur vingt-cinq personnes, une douzaine de pays sont ainsi représentés. Et Stéphanie Hospital d’arguer : «Il n’y a pas de leader dans la tech qui ne soit pas international».
La passion des grands espaces
Quand elle délaisse sa casquette de «venture capitalist», c’est pour se ressourcer dans son environnement montagneux, à Chamonix. L’entrepreneuse y vit une grande partie de l’année où elle renoue avec sa passion des grands espaces. L’hiver, elle y skie régulièrement. Le reste de l’année, elle s’y évade plusieurs fois par semaine. «Cela a toujours été un dilemme. Aujourd’hui, j’arrive à concilier mon travail avec mes passions. Mais pendant longtemps, j’étais très malheureuse d’avoir l’impression d’être enfermée en ville. La digitalisation du travail a été pour moi extraordinaire.»
Elle sourit : «Je me rappelle toujours l’émotion que j’ai eue au retour d’un week-end d’entraînement de voile depuis La Trinité. Mon premier téléphone portable avait une fonction mail. J’ai donc envoyé mon premier mail depuis le train en rentrant. Et je me suis dit : « Ça, ça va être la libération ». Travailler 7 jours sur 7 dans une ville ? Jamais».
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