A New-York les magasins reviennent en force avec une théâtralisation et un merchandising soignés et les technologies sont rendues invisibles aux yeux des clients, ou disparaissent.
Moins nombreux cette année à se rendre à la grand messe new-yorkaise du commerce et de la tech américaine, les Français présents au dernier Retail’s Big Show ont ramené dans leurs besaces quelques bonnes idées à prendre et à reproduire. Même si dans «le pays où le commerce est roi», comme le qualifie le consultant Franck Rosenthal, qui a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, les modes et habitudes de consommation ne sont pas tout à fait les mêmes qu’en Europe. L’état du marché déjà n’est pas non plus comparable. Après le «retail apocalypse», comme le titrait la presse américaine il y a quelques années avec la disparition des grands malls, mais qui traduisait plutôt une profonde mutation du secteur, la croissance du retail se poursuit. Avec les ventes hors magasin et en ligne, elle s’établit à 3.6 % en 2024 selon les chiffres de la National Retail Federation. Pendant la « holiday season », toute la période des fêtes à partir d’Halloween, les ventes auraient enregistré une hausse de plus 4% par rapport à 2023. Pour 2025, cette progression devrait atteindre ce même pourcentage selon un rapport récent du cabinet Bain & Company. «Le e-commerce enregistre une croissance d’un peu moins de 8%. Quand on regarde les neuf catégories suivies et étudiées, dont le sport, le bricolage etc. il y en a sept qui sont en croissance et deux qui sont stables ou à zéro», relate Franck Rosenthal, venu présenter avec Nicolas Diacono, ses observations sur ce marché lors d’une matinée des Jeudis de la Retail Tech consacrée au salon Retail’s Big Show.
La techno se fait discrète
Le retail physique résiste et continue de progresser et les enseignes américaines réinvestissent dans leurs magasins. «New York a toujours été un laboratoire mondial pour les nouveaux concepts de magasins. A cause du Covid et du télétravail, le quartier de Manhattan s’était vidé. Aujourd’hui, alors que les grandes entreprises font revenir leurs salariés au bureau, les magasins réinvestissent Manhattan», affirme Mike Hadjadj, co-fondateur de La Retail Tech. «Mais ils ne le font pas de la même manière. Comme les coûts salariaux ont augmenté, ils ont préféré réduire les horaires d’ouverture tout en offrant la même qualité de service». Si de nouveaux concepts fleurissent, la techno se fait discrète. Franck Rosenthal, Nicolas Diacono et Mike Hadjadj qui ont visité de nombreux magasins lors de leur séjour à New-York, ont ainsi sélectionné quelques concepts davantage intéressants par leur merchandising que par les innovations technologiques qu’ils proposent.
Les grandes ambitions de Skims
Whole Foods, l’enseigne alimentaire acquise par Amazon en 2017, s’essaie, par exemple, à la proximité, avec un point de vente de 850 m². Un format habituel en France mais qui est moins répandu à New-York après les nombreuses fermetures des CVS et Walgreens, ces chaines de pharmacies américaines qui jouent aussi le rôle de magasin de dépannage pour l’alimentation. «Dans ce Whole Foods Daily tout est cohérent. C’est un événement parce que c’est la première fois depuis le rachat par Amazon, qu’il y a quelque chose d’intéressant. Alors que dans les Amazon Go, la référence à Amazon était partout, il n’y a cette fois pas un seul logo Amazon. Seul le système de paiement avec la paume de la main est présent. Ils reprennent tous les engagements de Whole Foods sur une surface évidemment très réduite et c’est un exploit», estime Franck Rosenthal.
Un autre concept remarqué par ces professionnels c’est Skims, la nouvelle marque de lingerie inclusive de Kim Kardashian. Après avoir lancé une douzaine de « shop in shops, » elle s’est installée sur la 5e avenue en face d’un Victoria’s Secret avec en vitrine une statue dénudée, «étonnante quand on connait le puritanisme des Américains». Ici tout est basé sur le positionnement inclusif avec des mannequins de toutes formes, de toutes tailles et couleurs (sauf pour les hommes, tous représentés avec des bustes tout en muscles). «Les produits sont encore moins chers que chez Victoria’s Secret et l’ambition de la marque est d’ouvrir autant de boutiques dans le monde que H&M». Le design est soigné avec «des mobiliers arrondis pour mettre en avant le corps et les formes de la femme et les valoriser». Associée à 35%, Kim Kardashian a fait un appel à sa communauté pour trouver un nom qui lui ressemble.
Foot Locker s’essaie au retail media
Autre magasin remarqué par les professionnels : le nouveau concept new-yorkais du géant de la chaussure Foot Locker, installé au croisement de Broadway et de la 6e avenue. Le point de vente se différencie des autres magasins à l’enseigne avec des corners dédiés aux marques. Il veut aussi se positionner sur le marché porteur du « retail media instore » et accueille des écrans un peu partout. Mais il ne tient pas ses promesses, selon Mike Hadjadj, avec des publicités qui défilent au milieu d’offres concurrentes. Dans un tout autre registre, le magasin Telfar – impossible à imaginer en France car il filme les clients dans leur parcours sans leur demander leur permission – a l’objectif de les faire défiler «comme si vous étiez à la Fashion Week». Vendant uniquement sur le web à ses débuts, la marque au style unisexe a implanté son flagship à Soho qui propose une large collection de produits mode et accessoires sur plus de 900 m². Un assortiment d’écrans numériques diffuse en temps réel des séquences du magasin et chacun peut se voir sous différents angles et se mettre en avant. «Le slogan « Ce n’est pas pour vous, c’est pour tout le monde » est respecté», selon les trois observateurs.
Le magasin de produits outdoor Yeti embarque pour sa part les visiteurs dans la nature américaine, avec des glacières, des mugs personnalisables et des murs de gourdes de toutes les couleurs «donnant l’envie d’acheter les produits pour partir en pique-nique au bord de la rivière». Datant de 1862, le magasin de jouets FAO Schwarz multiplie ses animations. Quand, par exemple, un client achète une Jellycat, une peluche en forme de burger, un vendeur fait semblant de la cuire, la met dans un packaging et la sert comme au McDo. Ce magasin reste une institution à New York et se visite même si on n’a rien à y acheter. D’autres boutiques ont marqué les esprits comme le «petit magasin temporaire» de Vuitton, de 7000 m² tout de même et «encore plus beau que l’ancien parce qu’il est plus moderne et qu’il semble accessible avec à chaque étage des ambiances différentes».
La plupart de ces magasins new-yorkais ont comme particularité de disposer de play-lists musicales dédiées et globalement, la tech est transparente. Elle vient en support pour l’efficacité du magasin. «Tous les gadgets digitaux qui ne marchent pas, font fuir les clients. Les bornes d’ailleurs ont disparu. Et désormais chaque enseigne à son appli. Celles-ci sont beaucoup plus téléchargées aux États-Unis», remarque Nicolas Diacono. Les concepts avec des promesses simples sont parfois les mieux appréciés. Franck Rosenthal cite cette enseigne de stations-service géantes «Buc-ee‘s» dont le positionnement marketing est de proposer, en plus d’autres services, des toilettes propres 24 heures sur 24.
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