Le gestionnaire de fonds de capital-risque Daphni, à initiative du fonds d’investissement Dastore dédié aux startups du digital retail, publie un rapport sur les transformations à venir dans le commerce de détail et donne la liste des startups à suivre.
L’un des premiers apports de l’IA pointés dans le rapport de Daphni sur les transformations à venir dans le retail concerne les études qualitatives. Traditionnellement longues et coûteuses, elles sont désormais plus rapides et évolutives grâce aux outils d’IA analysant le texte, la voix et la vidéo. «Ces outils transforment les données qualitatives non structurées en informations quantifiables qui s’intègrent de manière transparente dans des données plus importantes. De même, les enquêtes pilotées par l’IA sont devenues plus sophistiquées, améliorant l’efficacité de la collecte de données.» Les progrès du NLP ou traitement automatique du langage naturel permettent désormais aux entreprises d’analyser de vastes réponses ouvertes dans les enquêtes et les avis, «offrant ainsi de meilleures informations sur les sentiments et les tendances des clients. Les outils d’analyse capturent avec précision les émotions, les préférences et les points de douleur, en reconnaissant même les nuances telles que le sarcasme et le contexte.» Selon Daphni, les entretiens animés par l’IA deviendront bientôt monnaie courante et la véritable innovation se concentrera sur les données synthétiques et les jumeaux numériques des clients. Semilattice, Synthetic Users et Flipflow sont citées comme les entreprises à suivre sur ce secteur.
L’IA dans la gestion des achats ou procurement
Le marché du procurement a fait l’objet des multiples valorisations en 2024. Des startups comme Pivot, spécialisée dans ce domaine, a réussi deux levées de fonds successives en 6 mois, malgré un contexte économique difficile. C’est aussi le cas pour la solution tout-en-un de gestion des achats et de trésorerie Payflows ou encore de la jeune pousse londonienne Omnea qui a levé 25M$ en 2024 pour développer sa plateforme. «Cette frénésie a été alimentée par plusieurs facteurs : le succès indéniable de Coupa (plateforme IA de gestion unifiée des dépenses, ndlr) ou de Zip (sur ce même créneau et qui a levé 190 millions de dollars pour une valorisation de 2,2 milliards de dollars, ndlr), la volonté acharnée des entreprises de mieux maîtriser leurs coûts, et un marché massif et mal desservi qui réclame de la flexibilité.» Les systèmes ERP traditionnels, avec leurs interfaces encombrantes et leurs cadres rigides, n’auraient pas réussi à suivre le rythme, s’avérant souvent trop coûteux ou inadaptés pour répondre aux demandes modernes d’automatisation et d’intégration de l’IA. «L’influence de l’IA dans ce domaine va bien au-delà de la simple productivité. Il s’agit d’améliorer la sélection des fournisseurs grâce à des données plus intelligentes, d’optimiser la gestion des stocks et de renforcer la conformité et les processus contractuels.»
L’IA est également perçue comme un outil crucial pour la gestion des risques, permettant d’anticiper les éventuels problèmes de la chaîne d’approvisionnement avant qu’ils ne se transforment en véritables crises. Mais des défis restent à relever pour les CPO car selon une étude de Mckinsey de 2024, 21% déclarent que la maturité de leur infrastructure de données est faible, avec moins de 70% des données de dépenses stockées en un seul endroit. En outre, 30% pensent que leur niveau de maturité des données est moyen. Outre Pivot, Daphni cite Ida, Prediko, Freqens parmi les startups à suivre.
L’IA au service de l’hyper-personnalisation
C’est devenu une réalité : la GenAI a redéfini la manière dont les marques interagissent avec leurs clients. Elle rend les expériences en ligne plus transparentes et hyper pertinentes, améliorant ainsi le taux de conversion, l’engagement et la satisfaction des clients. Parmi les solutions qui font passer l’expérience client en ligne au niveau supérieur, le rapport met en exergue les assistants d’achat intelligents sur les sites web des marchands, «offrant un niveau de service et de personnalisation égal, voire supérieur, à l’expérience en magasin». Et aussi les outils conversationnels sur les médias sociaux «engageant les clients sur les plateformes qu’ils utilisent fréquemment». Les solutions de billetterie donnent aussi aux agents de vente et d’assistance dotés de LLM les moyens de fournir des réponses plus rapides et plus précises et libèrent du temps en automatisant une grande partie du traitement des tickets. «Cependant, il semble que les marques et les détaillants ne soient pas encore prêts à automatiser 100 % du service à la clientèle. En effet, comme cela pourrait avoir un fort impact sur l’engagement et la fidélisation, ils veulent garder le contrôle sur ce domaine hautement stratégique.» A ce stade les entreprises recherchent surtout des outils de co-pilotage optimisant les processus existants. Autodm AI, Klark et Wax sont les jeunes pousses à suivre selon ce rapport.
Des applications sociales aux super-apps
La vague des super-apps, venues d’Asie et qui se sont souvent développées avec moins de surveillance réglementaire, va t-elle arriver aux États-Unis ou en Europe ? Probablement pas selon ce rapport. «Meta pourrait hésiter à consolider Instagram et Facebook en une seule application en raison de la cannibalisation potentielle des revenus publicitaires entre les différentes plateformes. Il en serait de même pour toute autre plateforme.» Selon les auteurs, les Occidentaux n’ont pas la culture du « portefeuille ». «Nous avons hérité de l’utilisation des cartes de crédit et de débit, ce qui inhibe l’adoption des systèmes de paiement mobile qui sont au cœur des super-applications. En Asie, de nombreux marchés ont sauté directement sur les paiements mobiles en raison de l’absence d’une infrastructure bancaire généralisée, ce qui a favorisé l’essor des super-applications.» Par ailleurs, le marché des applications est historiquement fragmenté en Europe et aux États-Unis, avec de nombreuses applications spécialisées, chacune offrant des services limités. «Cette fragmentation est due à l’héritage des services web d’abord, qui sont ensuite passés au mobile, contrairement à l’Asie où les stratégies mobiles ont permis l’intégration de divers services dès le départ.»
Mais avec Elon Musk dans le gouvernement américain, «on peut s’attendre à un assouplissement des contraintes réglementaires, ce qui pourrait ouvrir la voie aux apps américaines.»
L’arrivée des robots humanoïdes polyvalents
Les robots humanoïdes, pilotés par des IA et des LLM avancés, peuvent s’adapter à diverses tâches telles que la préparation des commandes, l’emballage et le chargement, qui nécessitaient traditionnellement plusieurs machines spécialisées. «Cette capacité d’adaptation leur permet de s’intégrer de manière transparente dans des environnements conçus pour les humains (comme les entrepôts) sans avoir à y apporter de modifications importantes. Au fur et à mesure que ces robots se répandront, leurs coûts de production diminueront, ce qui offrira des avantages économiques importants. » Mais il reste encore quelques aspects clés à éclaircir avant de parvenir à une adoption généralisée des robots, comme introduire les caractéristiques du corps humain dans les robots, telles que la flexibilité, et donner aux robots la capacité de comprendre et de transmettre des émotions. «Pour être acceptés, les robots humanoïdes doivent être perçus comme vivants et sympathiques, dotés d’une certaine intelligence émotionnelle, afin de faciliter l’interaction humaine. Cela sera vrai partout, même dans les entrepôts», selon Bruno Maisonnier, fondateur de Another Brain & Aldebaran Robotics. Dans ce domaine, le rapport de Daphni donne la liste de quatre startups à suivre : Figure, Skild AI, Physical Intelligence et Agility Robotics.
L’IA appliquée à la création de contenu
La création de contenu pilotée par l’IA n’est pas une tendance nouvelle et est déjà largement adoptée par les consommateurs. Mais ce qui est nouveau selon ce rapport, c’est que cette adoption est passée du B2C au B2B. Daphni cite en exemple l’application Photoroom qui s’est d’abord concentrée sur une approche B2C avant de cibler les petites entreprises (comme les magasins d’occasion). Elle est maintenant utilisée par des entreprises clientes telles que Netflix, Shopify, et Warner Bros. «Les tendances que nous suivons sont la personnalisation et l’intégration de l’intelligence artificielle et de la réalité augmentée (3D & AR)». Pour la première, l’adoption du B2B nécessite une approche personnalisée adaptée à l’environnement de chaque marque grâce à des modèles de formation sur le contenu de la marque. «Les détaillants exploitent de plus en plus leurs données propriétaires avec la GenAI pour s’assurer que le contenu généré est très spécifique et pertinent pour leurs produits et leur clientèle. À l’avenir, nous pouvons également envisager que cette approche soit personnalisée pour chaque client, avec des images et du contenu sur chaque site générés en temps réel en fonction de l’utilisateur.» Pour la seconde, les technos 3D & AR transforment la façon dont les gens font leurs achats en offrant des expériences interactives et très attrayantes. «Les outils d’essayage virtuel pilotés par l’IA permettent aux acheteurs de visualiser la façon dont des articles tels que des vêtements, des cosmétiques ou des produits de beauté peuvent être portés. Cette innovation renforce non seulement la confiance des consommateurs dans leurs choix, mais répond également à un défi majeur pour les détaillants en réduisant les retours de produits.» Poolday, Emperia, Presti, Veed.io font partie des jeunes pousses à suivre sur ce marché.
Des chaînes d’approvisionnement durables et résistantes
Parmi les dix tendances mises en avant dans ce rapport, Daphni a observé «un grand élan dans le domaine des chaînes d’approvisionnement en raison des réglementations ESG plus strictes et de la demande croissante de transparence de la part des consommateurs.» La traçabilité est désormais un élément essentiel des chaînes d’approvisionnement modernes, aidant les marques et les détaillants à répondre aux exigences réglementaires, à gérer les risques et à garantir la qualité des produits, tout en renforçant la confiance des consommateurs. «À l’horizon 2025, nous pensons que le principal défi à relever consistera à évaluer efficacement l’impact environnemental de chaque produit à grande échelle. Comment réaliser des ACV à grande échelle sans accès privilégié aux données primaires ? La résolution de ce problème de données sera cruciale pour l’élaboration de rapports. » Carbon Maps, Fairglow et Minespider sont des jeunes pousses à suivre selon le rapport.
Shopify et son écosystème gagnent du terrain
D’autres tendances et les transformations à venir ont été mises en avant dans ce rapport, comme la conception de nouveaux matériaux pour une alternative au plastique grâce aux algorithmes d’IA et de ML qui peuvent prédire les propriétés de nouveaux composés et matériaux en se basant sur de vastes données. Daphni questionne aussi sur le soutien à l’écosystème Shopify. Cet acteur clé du commerce électronique mondial continue de gagner du terrain et cela ne devrait pas changer. En 2024, la plateforme a intégré plusieurs marques d’entreprise, notamment Suntory, Harry’s, Hanes, Intersport, Luxottica, AMI Paris etc. «Nous considérons certainement Shopify comme un accélérateur plutôt que comme une menace pour les « facilitateurs » en phase de démarrage dans le domaine du e-commerce. Cependant, nous pensons qu’à un certain niveau de maturité, il est important de diversifier l’approche et d’avoir la capacité de s’intégrer à d’autres plateformes CMS», notent les auteurs.
Le rapport met aussi l’accent sur l’approvisionnement en énergie et l’augmentation des dépenses énergétiques pour l’ensemble des acteurs de la grande distribution en France, l’importance de se doter d’outils adéquats, tels que les solutions EMS (Energy Management System) et solutions d’optimisation. «Les solutions EMS sont essentielles pour fournir des informations en temps réel sur la consommation d’énergie et pour optimiser l’utilisation de l’énergie en alignant la demande sur la disponibilité fluctuante des énergies renouvelables.» Il cite des avantage des micro-réseaux et le potentiel des batteries et des panneaux solaires pour réduire les coûts.
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