Les stratégies RSE dans la mode passent par le dialogue et la co-construction

Temps de lecture : 5 minutes

face au défi écologique de la mode @clesdudigitalFace au défi écologique de la mode, marques, enseignes et industriels doivent désormais travailler ensemble, co-créer, échanger des données avec les bons outils. Une démarche déjà initiée par le groupe Etam.

«Le temps où les relations entre fabricants et marques étaient cantonnées aux seuls donneurs d’ordre est révolu. Pour accélérer la transition, le dialogue entre les fabricants et les marques est essentiel», affirment les organisateurs du salon de tissus Première Vision qui ont initié plusieurs tables rondes en septembre dernier sur ces sujets en partenariat avec l’association Paris Good Fashion.

Certaines marques sur le marché du mass market ont déjà pris une longueur d’avance dans ce domaine. Dans son classement Circular Fashion Index de 2022, le cabinet américain Kearney qui a évalué les efforts de 150 marques mondiales en matière de durabilité, place Decathlon en treizième position suivie de Jules/Brice puis d’Etam à la seizième place, devançant les grands noms du luxe.

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Elie Khayat et Kachen Hong Zwart

«Nous avons amorcé la transition écologique il y a à peu près trois ans et nous restons très actifs sur ce sujet avec une équipe de dix personnes», explique Kachen Hong Zwart, directrice RSE au sein du groupe Etam qui travaille avec 250 fournisseurs et 350 usines principalement en Asie. Sur ce marché très technique de la lingerie, en particulier les soutiens-gorges qui nécessitent de multiples composants pour leur fabrication, le groupe a instauré des liens fidèles et des relations sur le long terme avec ses fournisseurs (en moyenne de 12 ans, et de 20 à 25 ans pour les plus importants). Pour assurer ce suivi, l’entreprise a mis également en place il y a deux ans un outil du même type que celui qui a été développé par Fairly Made.

Faciliter la traçabilité et les échanges de données

Cofondée par Laure Betsch et Camille Le Gal en 2018, l’entreprise à mission Fairly Made qui emploie aujourd’hui 60 personnes, développe une méthodologie et plate-forme numérique pour que les marques tracent leurs fournisseurs, réalisent des analyses de cycle de vie (ACV) et évaluent l’impact social de la fabrication des vêtements. Elle propose aussi un module communication pour transmettre ces informations aux consommateurs. Pour ce travail très chronophage pour les marques, Fairly Made se connecte à leurs logiciels, qui sont la plupart du temps des PLM (Product Lifecycle Management) ce qui évite des ressaisies d’informations et les erreurs. Elle gère ensuite les échanges avec les fournisseurs, leur envoie des questionnaires depuis sa plateforme, récupère les infos, les restitue et fournit une note de traçabilité, de durabilité, un scoring environnemental et social, en fonction des différents maillons de la chaine qui ont été identifiés. «L’idée est que la marque ait une vision de ses impacts pour comprendre où sont les plus gros sujets à traiter pour ensuite être capable de les améliorer», souligne Laure Betsch.

face au défi écologique de la mode @clesdudigitalUn dialogue permanent avec les fournisseurs

Etam réalise ce travail fastidieux en interne. «Ce n’est pas facile. Il y a un dialogue en permanence à mettre en place avec les fournisseurs, beaucoup de formation, de sensibilisation… les fabricants qui fournisseurs plusieurs marques se retrouvent souvent avec des outils différents, en plusieurs langues. Ensemble, on essaie d’aller main dans la main vers plus de traçabilité, de transparence», raconte Kachen Hong Zwart. Sur ce sujet de la transparence, la marque a décidé d’innover en insérant dès 2020 une vidéo de l’usine dans les fiches produits sur l’ensemble de ses références en lingerie. En magasin, le client peut scanner l’étiquette du produit grâce à un QR code qui lui donne un accès direct et instantané à ces vidéos et aux informations de l’usine dans laquelle il a été fabriqué. Selon Kachen Hong Zwart, «c’est un premier pas». La marque publie aussi la liste exhaustive de ses fournisseurs sur son site Internet et son rapport d’impact.

Aujourd’hui 71% des produits Etam intègrent des matières bio ou recyclés à hauteur de 50% de la masse du produit. «Un effort qui coûte des millions tous les ans» et que la société a décidé de ne pas répercuter sur ses prix affichés. «La RSE est devenue un critère important et les consommateurs sont friands d’informations mais cela ne se traduit pas forcément en acte d’achat», observe Kachen Hong Zwart. Le groupe s’appuie aussi sur un «Tech Center» qui mène de la R&D, réalise des prototypages et investit dans des projets pour réduire, par exemple, l’impact de la teinture, intégrer des matières recyclées, opérer du recyclage de produits ou améliorer leur fin de vie, en particulier pour les soutiens gorge qui ne se recyclent pas aujourd’hui. Sur ce point Etam travaille les startups dont Recyc’Elit qui a rejoint son programme d’accélération WeDareLab by Etam Groupe et a mis au point un procédé permettant de recycler chimiquement le polyester issu de tout type de déchets dont les textiles. L’objectif de la marque étant d’éditer en 2024 une collection capsule de lingerie en boucle fermée.

face au défi écologique de la mode @clesdudigitalD’autres projets collaboratifs sont menés pour développer des technologies moins gourmandes en eau pour les teintures, par exemple. Face aux pressions réglementaires, Etam a par ailleurs créé un groupe de travail réunissant des marques françaises concurrentes pour avancer sur les sujets RSE et l’entreprise participe aux initiatives de Paris Good Fashion. «Sur la RSE, nous nous partageons beaucoup de choses, les fournisseurs, le innovations, les études, nos benchmarks sur les outils de traçabilité, c’est enrichissant et on mutualise des projets. Dans le cadre de Paris Good Fashion, par exemple, on a lancé ensemble un test de collecte de déchets plastiques en magasin. Cela nous coûterait beaucoup trop cher de le faire tout seul».

Collaborer ensemble nécessite aussi d’initier cette démarche dès la genèse, dès le design du produit, et de se doter des bons outils. «Il est important d’avoir ces outils pour maintenir l’information et la faire circuler, et assurer la traçabilité», assure Elie Khayat, CSR director de Lectra, éditeur de PLM et de solutions de traçabilité des matières. Des outils qui doivent aussi communiquer ensemble pour échanger. «Auparavant il fallait cacher sa chaine approvisionnement car c’était un avantage concurrentiel. Aujourd’hui, l’avantage concurrentiel est d’être transparent», observe le professionnel.

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