La Tribune de Philippe Ribera, vice-président Innovation chez Lectra.
Royaume de la créativité dans notre imaginaire collectif, la mode est rarement associée à l’innovation technologique. Pourtant, ce secteur a grandement besoin des nouvelles technologies pour faire face aux bouleversements nés des nouveaux usages et des nouvelles attentes des consommateurs. Marques, fabricants et distributeurs doivent s’adapter à toute allure pour ne pas disparaître, car l’industrie de la mode fait face à une transformation profonde. La survie des acteurs dépend non seulement de leur bonne appropriation des nouvelles technologies, mais aussi et surtout de leur capacité à mener des démarches d’open innovation à même d’accélérer leur nécessaire mutation.
La mode doit faire sa révolution
En quelques années seulement, le paysage du marché de la mode s’est radicalement transformé sous l’effet de tendances complexes et parfois contradictoires. Les comportements d’achat des consommateurs en témoignent. Les jeunes générations se distinguent par exemple par leur appétence pour les marques de fast fashion, alors même qu’elles aspirent à des modes de consommation plus responsables, dans des circuits plus courts qui favorisent des productions plus durables.
La crise sanitaire a quant à elle mis en lumière les faiblesses inhérentes aux circuits mondiaux de production de marchandises, comme aux modèles économiques trop centrés sur une distribution en boutiques. A ces tensions s’ajoutent enfin de nouvelles exigences, nées de la prise de conscience de l’impact social et environnemental de la mode, alors même que l’inflation augmente le poids du prix dans la décision d’achat.
Dans ce contexte, tous les acteurs de la mode prennent conscience de l’impérieuse nécessité de repenser leur modèle et d’innover. Comment raccourcir et optimiser les chaînes d’approvisionnement ? Comment réduire les risques d’invendus ? Comment répondre aux demandes croissantes de personnalisation ? Comment optimiser l’utilisation et la traçabilité de la matière ?
L’innovation technologique devient une alliée essentielle
A l’heure de la 4ème révolution industrielle – l’industrie 4.0 – de nouveaux modèles émergent chez les marques et les fabricants : production agile de petites séries, production à la demande, production en masse de produits personnalisés etc. Les acteurs doivent créer les meilleurs « univers produits » et expériences d’achat possibles, tout en réduisant les risques de gaspillage. Disposer des technologies qui permettent d’exploiter les données de production et de consommation devient un véritable avantage compétitif.
Par exemple, les marques peuvent désormais utiliser la puissance de l’intelligence artificielle et du big data pour suivre en temps réel les stratégies produits et prix de leurs concurrents, afin d’améliorer la conception et la distribution de leurs propres collections. De même, elles peuvent optimiser la gestion de leurs informations produits pour que celles-ci soient constamment disponibles et à jour sur les bonnes marketplaces, au bon moment.
En amont de la production, elles peuvent recourir à des logiciels pour fluidifier les étapes de création, mieux anticiper leurs besoins de matière et donc l’évaluation des budgets associés. Pendant la fabrication, au sein des usines, marques et fabricants peuvent aussi accéder aux nouvelles solutions de l’industrie 4.0 pour automatiser les productions à la demande de petites séries. La mise en place de nouvelles chaînes logistiques en est grandement facilitée.
Choisir l’open innovation, c’est se donner des chances supplémentaires de succès
Il n’en reste pas moins que les défis auxquels le secteur de la mode fait face sont immenses. Les chaînes d’approvisionnements comme les chaînes de valeur sont multiples, interdépendantes et impliquent de nombreuses étapes, de nombreuses entreprises et de nombreux métiers, dans de nombreux pays.
La modernisation et la remise à plat d’un très grand nombre de processus ira d’autant plus vite qu’elle associera différents acteurs désireux de partager leurs défis, leurs expertises et leurs innovations technologiques respectives. Ce pari de l’intelligence collective passe notamment par la création de structures telles que des think tanks ou des innovation labs pour identifier les enjeux communs et la recherche des technologies à même de les résoudre.
L’enjeu n’est pas uniquement de favoriser des collaborations entre entreprises de tailles différentes (grands groupes, acteurs de taille intermédiaires, startups). Il est aussi d’accélérer les réflexions sur la manière dont chaque typologie d’acteur peut mieux interagir avec les autres, au bénéfice de tous.
Prenons l’exemple des enjeux environnementaux liés à la mode : pour mieux utiliser la matière tout au long de la chaîne de valeur de la mode, il faut pouvoir la tracer depuis la fibre jusqu’au vêtement final. Seule une démarche d’open innovation permet de réunir l’ensemble des acteurs concernés pour définir comment, grâce aux nouvelles technologies, rendre l’information disponible, accessible et transparente, à chaque étape de la chaîne de valeur.
Le recours aux data bases ou à la réalité virtuelle lors des étapes de conception des collections, la reconnaissance automatisée des caractéristiques des tissus, l’interconnexion des données de production et de consommation … les possibilités que laissent entrevoir les nouvelles technologies sont immenses. Mais ceux qui en bénéficieront le plus et le plus vite sont sans aucun doute les acteurs qui adopteront d’emblée une démarche d’open innovation. Car c’est cette conception de l’innovation qui fera véritablement entre la mode dans l’ère de l’industrie 4.0.
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