Les sujets de la technologie responsable et du rôle du numérique dans la transformation des business models pour des stratégies plus durables, ont animé l’une des tables rondes de la cinquième édition du Forum de Giverny.
Comment mettre le numérique au service d’une transformation responsable des business models, tout en limitant ses propres impacts négatifs sociaux, sociétaux et particulièrement environnementaux ? C’est la question sur laquelle s’est penché un groupe de travail initié par le Cercle de Giverny et dont les propositions ont été dévoilées lors de la cinquième édition du Forum de Giverny (voir l’article). «Le numérique, la tech, représentent 4% des effets de serre dans le monde et 2,5% en France», observe Marie Georges, directrice exécutive sustainability France et Benelux chez Accenture, citant des chiffres de l’Ademe. «On parle aujourd’hui d’une technologie responsable et le digital doit permettre d’accélérer la décarbonation. Il faut des outils pour atteindre ses objectifs de diminution de CO2». Les solutions technologiques durables pour piloter la performance RSE des entreprises semblent ainsi «plus nécessaires que jamais pour faire des objectifs de neutralité carbone une réalité».
Les transformations des business models sont en marche
Pour le cabinet de conseil, l’intégration des enjeux de durabilité au cœur de la stratégie des entreprises est enclenchée. Même s’il reste encore du chemin à parcourir. La création d’un business modèle durable est ainsi un mouvement initié par 75% des entreprises françaises qu’il a interrogées. Son étude menée entre mai et juin 2023 auprès d’un échantillon d’une quarantaine de DSI, CTO, directeurs du développement durable de grandes entreprises, a le mérite d’analyser – à défaut d’être exhaustive – des évolutions d’une année sur l’autre. Le cabinet créateur du «Sustainability Technology Index» mesure la performance des entreprises et leur niveau de succès à combiner les trois éléments suivants : la technologie au service du développement durable, l’impact environnemental et social de la technologie et leur collaboration avec l’écosystème pour transformer le modèle d’affaires.
Globalement, l’index mesurant la maturité des entreprises françaises a progressé de plus de 30% par rapport à 2022, notamment sur le volet «La technologie au service des objectifs de développement durable» lié à une accélération de l’utilisation de solutions visant à mesurer, comprendre et agir sur ces objectifs opérationnels. Selon cette même enquête, 20% des entreprises déclarent développer une approche holistique, intégrant simultanément leurs stratégies numérique responsable et de développement durable, contre seulement 4% l’an dernier. Et 75 % repensent actuellement leur modèle d’affaires afin d’atteindre les objectifs de décarbonation et d’adaptation au changement climatique en appuyant sur des projets pilotes autour de la data et des nouvelles technologies. Par ailleurs, une entreprise sur deux intègre désormais l’impact environnemental et social de la technologie dans le choix de ses fournisseurs en se montrant plus exigeante sur ses critères de sélection. Mais à contrario, l’éco-conception, notamment logicielle, «demeure un chantier stratégique insuffisamment adressé», notent les auteurs.
Favoriser l’extension du cycle de vie des produits et la seconde vie
Ce groupe de travail du Cercle de Giverny, composé de représentants d’Accenture mais aussi de Circular’X, L’Oréal France, Orange, de L’Association Française des Entreprises pour l’Environnement (EPE), de l’Ecole Polytechnique et de l’Institut des Mines Télécom et coprésidé par Franck Leprou, directeur de la stratégie digital de Renault Digital, a pour sa part livré six propositions pour aller dans la bonne voie. L’une consiste à créer un «observatoire des business models responsables» pour suivre ces exemples, en faire la promotion et en analyser les fondements afin d’établir un référentiel partagé. Il s’agit aussi de «favoriser le changement d’état d’esprit des dirigeants développant des modèles et des outils de formation numérique autour de ces business model, de rendre ces derniers plus vertueux en traitant l’obsolescence logicielle et en favorisant l’extension du cycle de vie des produits et la seconde vie notamment». Olivier Girard, président France et Benelux d’Accenture, a rappelé lors de cet événement que la technologie qui n’a guère plus de cinquante ans était encore «dans sa phase d’adolescence un peu attardée», soumise «à des ruptures régulières, à l’explosion des usages et des nouveaux mots comme le métavers, et qu’il fallait en même temps être plus frugal et surtout mettre en commun la data». Une démarche déjà entreprise par le groupe L’Oréal.
Plus de collaboration, une démarche prônée par L’Oréal
«Aujourd’hui les citoyens veulent plus de transparence. Nous notons nos produits de A à E», explique Béatrice Dautzenberg, directrice des services Beauty Tech, «et nous travaillons avec un consortium beauté pour obtenir ces indicateurs communs. Ce travail de coopération et de collaboration est devenu nécessaire». Le groupe de cosmétiques cherche aussi à faciliter l’accès aux données à ses consommateurs grâce à des QR Codes et travaille pour cela «très en amont» avec ses fournisseurs «qui doivent réduire de 50% leur empreinte carbone». Depuis 2017, son site de production pour les produits Kerastase à Burgos, en Espagne, est une «usine waterloop». Cela signifie que 100 % de l’eau utilisée pour la production est recyclée et réutilisée en circuit fermé. Le groupe s’est aussi associé à la jeune pousse française Impact+, présente dans 47 pays, qui mesure les émissions de gaz à effet de serre de toutes ses publicité numériques, des réseaux sociaux à l’achat programmatique, en passant par la vidéo, ce qui lui permet de mieux piloter ses campagnes.
«Nous travaillons aussi beaucoup en amont avec nos coiffeurs pour les aider à réduire leur consommation d’eau». En 2021 L’Oréal a ainsi annoncé un investissement minoritaire dans la start-up suisse de technologie environnementale Gjosa avec laquelle elle travaille depuis 2015 pour optimiser les technologies de rinçage des shampoings. Au CES de Las Vegas en janvier 2021, les deux entreprises ont dévoilé L’Oréal Water Saver, une solution pour les salons de coiffure ou à domicile, qui combine une technologie de micronisation de l’eau associée à l’utilisation de cartouches de soins et de produits capillaires. La solution est déjà déployé dans 3000 salons et permettrait d’économiser jusqu’à 69% d’eau selon l’entreprise.
Prendre les bonnes décisions à partir des données disponibles
Google s’attache pour sa part à délivrer davantage de données avec son «Google Environnemental Insight Explorer» qui mesure, par exemple, le potentiel solaire technique de tous les bâtiments d’une région. Il analyse régulièrement l’efficacité énergétique globale de ses data centers avec l’objectif d’atteindre 100% d’énergie décarbonée en 2030. «Ma principale conviction c’est que la solution n’est pas dans la technologie mais dans la capacité de l’homme à prendre les bonnes décisions à partir des données disponibles», estime Sébastien Missoffe, directeur général de Google France, citant aussi l’exemple du service Google Maps qui propose aux usagers des itinéraires alternatifs avec des impacts en CO2 moindres. «Une fois que ces données sont présentées de façon simple et claire, il y a un effet», ajoute le dirigeant. De grands groupes s’appuient sur ses datas comme Kering pour des explorations sur le recyclage des tissus.
Renault s’est, pour sa part, associé à Google en vue de développer le «Software Defined Vehicle» afin de proposer de nouveaux services à la demande aux conducteurs, permettre des mises à jour continuelles sur les véhicules grâce au système d’exploitation Android Automotive et les technologies cloud de Google. «Aujourd’hui toutes nos données de production sont tracées, mises dans des jumeaux numériques, une sorte de metavers qui nous permet d’observer ce qui se passe en temps réel et d’être pro-actif», assure Frédéric Vincent EVP chief digital officer & information de Renault. L’industriel cherche aussi à «doper son business» autour de l’économie circulaire avec son concept notamment de Refactory à Flins qui reconditionne des véhicules d’occasion et lance de nouveaux services de mobilité avec des partenaires (comme l’offre d’autopartage via sa filiale Renault Mobility, proposée par Ikea France depuis 2018 pour que les clients puissent transporter les meubles achetés en magasin jusqu’à leur domicile).
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