Marion Ranvier a fait aboutir son rêve : allier entrepreneuriat et rendre le numérique accessible à tous.
Inspirée par son père lui-même entrepreneur, Marion Ranvier a commencé sa carrière en se consacrant au développement des chaines dédiées à la jeunesse de Lagardère Active avant de s’embarquer dans une aventure familiale. «En 2017, mon père a pris sa retraite et nous avons réfléchi au lancement d’une activité ensemble». Ses difficultés liées à sa dyslexie découverte assez tardivement, les poussent à s’intéresser à la plateforme web Aidodys créée en 2014, dont l’objectif est d’aider les élèves ayant des troubles DYS ou déficiences visuelles à lire des documents en français et en anglais en les adaptant.
Rapidement, Marion Ranvier prend conscience des problèmes plus larges d’accessibilité des sites Web et une autre aventure commence avec la création de Adapte Mon Web. Présentée au CES de Las Vegas en 2019, la jeune pousse propose une ligne de code à intégrer sur n’importe quel site web existant ou en construction, pour permettre à l’utilisateur, porteur de troubles (déficiences visuelles, troubles cognitifs, troubles DYS) mais aussi pour des seniors ou personnes souffrant d’une fatigue passagère, de se créer un confort de lecture sur-mesure. Ce service d’accessibilité numérique est conforme aux normes européennes relatives aux droits des personnes handicapées.
«Plus d’un milliard de personnes dans le monde ont des problèmes pour accéder au web et ce chiffre ne cesse d’augmenter.» Malgré les réglementations (depuis la loi du 11 février 2005, et très précisément son article 47, la prise en compte de l’accessibilité numérique est une obligation légale en France pour les organismes publics et les entreprises dont le chiffre d’affaires excèdent 250 millions d’euros et tous les sites seront concernés en 2025), beaucoup n’appliquent pas ces règles. Plus de 70% des sites internet ne rempliraient pas les standards légaux d’accessibilité. «L’accessibilité est l’affaire de tous. Il s’agit aussi d’accompagner les seniors», observe Marion Ranvier.
Une aventure philanthropique, dédiée à l’accessibilité numérique
Rendre un site accessible c’est aussi attirer plus de clients et augmenter son chiffre d’affaires. En 2020, c’est en «pitchant» devant Jonathan Cherki que Marion Ranvier réussit à convaincre le président fondateur de Contentsquare d’investir dans sa solution. Depuis cette «rencontre humaine» a perduré et s’est même intensifiée puisque tous deux se sont lancés en 2021 «dans le défi fou d’une aventure philanthropique, dédiée à l’accessibilité numérique, qui contribuerait à la construction d’un monde digital plus inclusif». La «Contentsquare Foundation» voit alors le jour dans le but de promouvoir l’accessibilité numérique pour tous en menant des actions concrètes et Marion Ranvier en devient la directrice générale aux côtés de Jonathan Cherki qui en est le président. Cet organisme à but non lucratif vise à sensibiliser, éduquer les employés des entreprises, à accompagner celles-ci pour amorcer cette transformation et aussi à assurer des formations. «Nous avons lancé un programme master class de 45 minutes en français et en anglais pour former sur les enjeux et produire des recommandations avec des cours en ligne et donnant lieu à une certification». L’ambition est de former 12 000 personnes d’ici janvier prochain.
Alors que la France s’est fixée pour objectif d’atteindre 400 000 experts du numérique d’ici à 2030, l’organisme cherche aussi à sensibiliser les étudiants à ces enjeux et a commencé à travailler avec des établissement scolaires. Il a aussi noué un partenariat avec le centre de recherche européen de l’Institut de la Vision pour soutenir la recherche fondamentale autour des besoins et difficultés des personnes atteintes de handicaps visuels. «Contentsquare nous met à disposition sa technologie pour des tests».
Marion Ranvier cherche enfin à évangéliser tous les publics et elle a entrainé un collectif d’une trentaine de spécialistes à signer le 2 juin dernier une tribune au Monde, sous le titre «Internet : L’accessibilité numérique est encore trop souvent vécue comme une contrainte». «Nous continuons à travailler avec ce consortium à la rentrée de septembre car il faut aller plus loin. Nous nous réunissons pour voir comment combler aussi le manque de formateurs».
Elle a également participé à une consultation ouverte aux entreprises de la French Tech (FT120) et initiée par la direction interministérielle du numérique (DINUM) dont la mission est d’élaborer la stratégie numérique de l’État et de piloter sa mise en œuvre. L’objectif était de recueillir des propositions dans la perspective d’un futur projet de loi. Enfin, la fondation s’apprête à lancer un baromètre début 2024 pour mesurer les erreurs le plus fréquentes et réaliser des analyses qualitatives. «Aujourd’hui, je me suis engagée dans l’intrapreneuriat et j’ai l‘impression de repartir dans une nouveau projet où il faut tout créer from scratch. C’est une aventure passionnante».
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