Nommée directrice générale adjointe de La Redoute en mars 2022, Amélie Poisson évoque ses différentes missions avec une passion qu’elle aime faire partager. Elle a participé au comité éditorial du dernier salon One to One Retail E-commerce Monaco.
Amélie Poisson a grandi non loin de Paris. Elle est née d’un père agriculteur et d’une mère travaillant dans l’immobilier, très impliquée dans la vie locale, et élue du village. Ses deux parents lui ont donné le goût du travail et de l’effort. Ils vont lui transmettre leur passion pour l’art et la brocante. Son rêve professionnel se dessine alors : elle sera galeriste ou commissaire priseur. Mais la bonne élève écoute les conseils de son entourage. «Ce n’est pas un métier d’avenir ! La profession de commissaire priseur va disparaitre», lui fait-on savoir. La raison et son désir d’autonomie vont l’emporter sur la passion : la khâgneuse, au profil généraliste et à l’esprit curieux, entre à Dauphine. Elle y suit un parcours en finance et marketing mais n’abandonne pas pour autant ses premières amours. Elle tente de poursuivre vers un DESS de gestion des collections d’art mais malgré son intérêt, son mémoire sur les musées nationaux, son exposé sur Rodin, elle ne fera pas partie des 25 candidats retenus. «Je me suis retrouvée le bec dans l’eau. Je n’avais pas postulé ailleurs», se souvient-elle.
Une soif d’apprendre
Une année de césure l’amène à suivre deux stages, l’un chez Lesieur et le second chez L’Oréal. Mais les produits de «grande conso» ne susciteront pas son intérêt. Elle intègre ensuite un nouveau cursus pour un DESS en marketing qu’elle obtient à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) puis postule à une offre d’emploi chez PPR. Le groupe Pinault Printemps Redoute recherche justement un profil «passionné par l’art». «Le recruteur m’a contactée et je me souviens l’avoir rappelé d’une cabine téléphonique. Avec mon côté un peu cash, je l’ai convaincu». Il s’agit de monter une nouvelle chaine de magasins dédiés aux produits dérivés d’œuvres d’art. Bruno Clamens, ancien directeur général de Home Shopping Service, filiale de téléachat de M6, est aux commandes. L’enseigne baptisée Artês ouvrira sa première boutique à Lyon dans le centre commercial de la Part Dieu. Amélie Poisson y restera un peu plus de quatre ans, le temps de monter une chaine d’une quinzaine de boutiques. «A part le fait que j’ai du rompre mes fiançailles car je n’ai pas voulu rejoindre mon fiancé en Australie, ce fut une super aventure. J’étais très jeune et je travaillais aux côtés de professionnels expérimentés. J’ai réalisé des choses incroyables, appris le merchandising en montant une vitrine dans le centre Belle Epine, opéré des achats aux États-Unis… J’avais une soif d’apprendre».
A l’école de la Fnac
Isabelle Delaye, alors directrice marketing, communication et service clients France de la Fnac et aujourd’hui consultante indépendante, la contacte pour l’intégrer dans son équipe. Elle commencera par définir la stratégie média et animer le réseau des responsables de communication, organisera les partenariats et les événements en magasin. «J’étais nourrie par une équipe de passionnés». Quand elle quitte la maison après y avoir passé un plus de neuf années, elle occupe le poste de directrice publicité et marketing promotionnel. «J’y ai beaucoup appris, sur le CRM, l’animation, l’événementiel, les métiers du design des magasins. La Fnac est une école. C’est aussi à cette époque que nous avons assisté à la fin du disque, au début du gaming, qu’il a fallu affronter la concurrence d’Amazon».
Quand elle rejoint La Redoute, elle dispose déjà d’une bonne expérience en «business de transformation». Et il lui en faudra, car la Redoute qui appartient alors à Redcats, ex-filiale du groupe PPR (qui deviendra Kering), n’est pas loin de la faillite et enchaine les plans de suppressions d’emploi. C’est Nathalie Balla arrivée en 2009 à la tête de l’enseigne du groupe Redcats qui l’a recrutée au poste de directrice de la marque. La cadre dirigeante reprendra l’ex-vépéciste en 2013 avec Eric Courteille après que Kering y aura injecté 300 millions d’euros et entamé un plan de cession. Ce nouveau départ marque le début de la renaissance de l’enseigne qui affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros.
En charge du commerce et de plusieurs directions
«Nous avons arrêté le gros catalogue. Assez vite, on m’a confié le marketing digital et la relation client. Je dois beaucoup à Nathalie qui m’a fait confiance. Nous avons vécu des moments compliqués. Il fallait avoir la foi. Mais nous étions un collectif, une équipe très soudée. C’est une aventure de transformation qui n’est toujours pas finie». Pendant toutes ces années, Amélie Poisson va apprendre beaucoup sur elle-même, renforcer ses capacités d’organisation. «J’y suis depuis onze ans. Nous sommes des passeurs. Il ne faut pas oublier que cette entreprise a 186 ans».
En mars 2022 alors que Les Galeries Lafayette finalisent le rachat de la totalité des parts de l’enseigne et que les deux coprésidents, Nathalie Balla et Éric Courteille, quittent le navire, Philippe Berlan qui vient d’accéder au poste de directeur général la nomme à ses côtés comme directrice générale adjointe. Elle est désormais en charge du commerce. Les directions prêt-à-porter, décoration maison, marketplace et plateforme commerciale lui sont rattachées, en complément du marketing, de la marque et de l’expérience client qu’elle dirigeait déjà.
Encore de nombreux challenges à relever
«Après la Fnac, j’avais besoin de me challenger. J’adore la création dans la mode, je connais toutes les marques, et je suis fan de déco. J’ai participé au lancement de La Redoute Intérieurs. C’est un positionnement unique sur le marché. J’ai appris le digital, me suis passionnée pour la relation client. Nous avons encore plein de chantiers à mener et c’est excitant». La responsable qui aime aussi «sortir de sa zone de confort», travaille avec le Comex pour définir la vision de l’entreprise, peaufine la stratégie commerciale et client, et passe beaucoup de temps avec ses équipes pour piloter les avancements, partager des difficultés, veiller à la bonne exécution opérationnelle.
«J’ai aussi des bulles de respiration et je suis bien accompagnée dans la vie avec un mari partenaire». Maman d’une petite fille de cinq ans, elle met un point d’honneur à diner quasiment tous les soirs avec elle et commence à lui faire visiter des galeries et musées d’art. «J’ai aussi besoin de nature», ajoute la dirigeante qui a grandi à la campagne. Amélie Poisson veut encore voir se développer cette maison roubaisienne, notamment à l’international qui pèse aujourd’hui plus du 30% du chiffre d’affaires. Augmenter significativement la part des activités hors de l’Hexagone est d’ailleurs l’un des objectifs du plan stratégique 2026 «The Great R» présenté récemment et assorti d’une nouvelle identité visuelle. «Philippe Berlan et Les Galeries Lafayette m’ont fait confiance. J’ai encore beaucoup de challenges à relever», estime la dirigeante.
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