A la tête de Monnier Paris, Diaa Elyaacoubi poursuit son rêve de faire de son entreprise une pionnière dans l’univers du Web 3 et de la fashion tech et d’embarquer les acteurs du luxe dans cette nouvelle aventure.
Quand elle était plus jeune, Diaa Elyaacoubi rêvait d’être astronaute. «J’avais envie de faire des choses dans le progrès, dans l’art, j’adorais les sujets abstraits, les maths et la mécanique aviatique», se souvient Diaa Elyaacoubi qui dirige désormais la destinée de Monnier Paris. Une mission qui semble assez éloignée de ses rêves d’adolescente où elle retrouve tout de même un peu de ses premières passions pour les découvertes, pour le futur et l’innovation.
Née au Maroc de parents avocats, bonne élève, Diaa Elyaacoubi partira poursuivre ses études en France pour intégrer Telecom Paris (ENST). «Nous étions à l’époque de l’apparition du mobile. Les transmissions des données, les satellites : tout cet univers me fascinait». L’ingénieure qui aurait pu rejoindre ensuite des groupes industriels «tombe dans l’informatique», commence à construire des middlewares et intègre Bull dont France Telecom est l’un des actionnaires. Partout c’est l’ébullition. Il y a plein de projets à construire comme les Pages Jaunes qui feront leur apparition sur une application pour les téléphones mobiles dès l’année 2000. Diaa Elyaacoubi participe à cette révolution, à l’arrivée des nouveaux opérateurs de téléphonie mobile. Elle intègre une start-up au sein de SFR (devenu Altice France), découvre la Silicon Valley, puis Cegetel.
«J’étais d’abord dans le marketing technique puis j’ai appris à construire des business cases. J’évoluais dans un milieu très masculin mais être une femme s’est aussi révélé un atout quand il a fallu convaincre des clients, puis des investisseurs», raconte Diaa Elyaacoubi qui a toujours milité pour que les jeunes femmes soient initiées à l’entrepreneuriat et a lancé le «Mouvement 100 jours pour Entreprendre» en 2012. A la révolution de la téléphonie mobile succède celle de l’Internet où tout reste à construire. «J’étais aux avant-postes».
Sa première start-up baptisée e-Brands, fondée en 1999 avec un associé, est un opérateur VNO européen (Virtual Network Opérateur) qui fournit des infrastructures de télécommunications et de l’accès Internet en marque blanche à des opérateurs comme Tele2 ou Noos. «Je l’avais proposé à Vivendi en mode spin-off mais on m’a répondu de le faire dehors. Nous avons démarré avec de belles marques dont Bouygues Telecom, Vivendi/Altice…, obtenu des financements et finalement Vivendi nous a rachetés». Pour Diaa Elyaacoubi c’est le moment de faire une pause et de découvrir le monde. Elle part seule vers l’Asie, voyage avec son sac à dos pendant plus d’un an et elle sera captivée par la Chine alors en plein réveil technologique. «Si j’avais pu deviner ce qu’allait devenir Alibaba j’aurais pu investir !», se souvient-elle.
Le désir d’entreprendre
Le retour en France est brutal. Entre temps la «bulle Internet» a explosé. «J’ai été choquée. J’ai trouvé que la France, ce pays d’entrepreneurs, s’était rétréci. J’avais aussi le désir d’entreprendre, de promouvoir l’entreprise». Elle fonde alors et dirige la société Streamcore Systems, spécialiste de la gestion des performances des réseaux dans le cloud. «Nous étions au début du cloud, du Saas, du big data». En quelques années la société se hisse à la pointe de l’innovation et dépose une dizaine de brevets internationaux avant d’être rachetée par Computer Associates en 2012. «Nous n’avions pas accès aux mêmes systèmes que certains concurrents (à l’instar de Cisco, ndlr) et nous ne pouvions pas nous battre à armes égales. J’avais bien perçu que la tech, le digital, la data allaient bouleverser les industries. J’ai repris mon bâton de pèlerin et suis repartie en Chine, la plus grande réserve de la GenZ».
Si certaines startups qui se sont lancées dans les années 2000 en France n’ont pas réussi et si les GAFA ont pris le pouvoir, Diaa Elyaacoubi est persuadée que l’Hexagone garde de nombreux atouts, à commencer par son industrie du luxe. Elle refuse la fatalité. En Chine, elle a créé plusieurs startups, décortiqué les modèles, observé la montée en puissance de la «social influence» et du live shopping. «J’ai été persuadée que le secteur du luxe allait se transformer mais qu’il ne pouvait pas le faire seul».
Quand le rachat de Monnier Frères (aujourd’hui Monnier Paris) se présente à elle, elle n’hésite pas. «C’est français. C’est parfait». Fondé par Guillaume et Jean Monnier, le site marchand qui commercialise des sacs et accessoires de marques de luxe avait accueilli Jaina, le fonds d’investissement de Marc Simoncini, à son capital avant d’être cédé au groupe belge Louis Delhaize en 2012. «J’ai tout de suite vu le potentiel de l’entreprise. Les fondations étaient bonnes». Elle signe «presque la veille du Covid», aidée pour son financement par un fonds «family office» et connait alors «la solitude de l’entrepreneur» mais avec la chance d’être entourée par «une équipe de choc» et l’obligation «d’aller à l’essentiel».
«Je me suis battue pour construire un leader de l’internet en 2000, aujourd’hui je prends ma revanche pour construire un leader du digital dans le luxe». Diaa Elyaacoubi n’a pas l’intention de passer à côté de la troisième révolution du Web et veut que son entreprise devienne un modèle français dans ce domaine et un partenaire technologique des marques pour leur apporter «une vision» raconte la dirigeante, qui a imaginé «Made in Tech, made in Paris, made in Fashion» comme nouveau slogan.
Faire de la France l’acteur central du métavers grâce à son patrimoine culturel
Elle anticipe une révolution dans la façon de consommer du luxe, cible une clientèle rajeunie, met en œuvre dès son arrivée des sessions de « live shopping » et séduit les jeunes Chinoises. Dans une tribune publiée récemment, elle n’hésite pas à livrer son point de vue et à interpeller les dirigeants et à bousculer les entreprises trop frileuses estimant que la France peut devenir un acteur central du métavers du fait de son patrimoine culturel : «Ne nous laissons pas dépasser par le métavers, comme certains l’ont été par la généralisation du Web, des réseaux sociaux ou du gaming. Les GAFAM se sont déjà positionnés, tout comme les BATX chinois. De son côté, la France dispose de nombreux atouts. Saura-t-elle les jouer ?»
D’ores et déjà, le site de Monnier Paris propose le paiement en cryptomonnaies. Il a participé à la Metavers Fashion Week sur la plateforme Decentraland en mars dernier et cherche à acculturer et à accompagner les marques vers ces nouveaux usages. « Nous avons construit tout cela en quelques mois avec agilité. Je suis là pour construire un story telling pour les marques, pour augmenter leur capacité d’impact sur de nouvelles audiences», souligne Diaa Elyaacoubi qui cherche à construire et à animer de nouvelles communautés dans le métavers.
L’entreprise qui a installé ses bureaux place des Victoires dans une ancienne boutique de mode avec des vitrines ouvertes sur la rue, se sait observée par les acteurs du luxe. «Je veux construire un mouvement, fédérer et construire des positions stratégiques dans le méta. Si j’arrive à créer un leader français dans ce domaine dans dix ans, je serais fière», affirme Diaa Elyaacoubi qui n’a rien perdu de son esprit d’entrepreneuse et de son entrain pour les technologies. Passionnée par l’art vivant, elle se nourrit aussi de rencontres d’artistes, de créateurs comme lors de l’événement « Paris Web3 Night » organisé récemment. Mais son temps libre, elle le consacre d’abord aux voyages avec ses enfants, à la cuisine et à son jardin dans sa maison de campagne.
Je souhaite lire les prochains articles des Clés du Digital, JE M’INSCRIS A LA NEWSLETTER
Laisser un commentaire