Nommée directrice générale du spécialiste aixois de la vente de vêtements à domicile Captain Tortue en juin dernier, Christel Hennion a été chargée de digitaliser cette entreprise. Elle dispose pour cela d’une longue et riche expérience.
Née à Versailles sans y avoir ses racines, car ses parents qui venaient de la Nièvre y ont déménagé pour des raisons professionnelles, Christel Hennion est une littéraire. Mais elle n’a pas fait carrière au Monde, comme l’aurait souhaité sans doute son père à une époque de sa vie. Non, elle a suivi une toute autre voie en s’initiant à la vente directe dès la fin de ses études, ce qui l’a amenée, en prenant aussi des chemins de traverse, à être nommée directrice générale du groupe Captain Tortue en juin dernier.
Douée en lettres, Christel Hennion a suivi le parcours classique de la bonne élève : après des études secondaires dans un lycée des Mureaux, elle intègre la prépa littéraire hypokhâgne et khâgne à Condorcet à Paris avant d’effectuer un cursus en histoire de l’art à la Sorbonne. «Mais je me sentais attirée par l’entreprise», avoue la dirigeante, qui décide alors de suivre un troisième cycle à Sup de Co Reims (aujourd’hui Neoma). Intéressée par l’univers de l’édition, elle commence sa carrière chez Harlequin, spécialiste de la romance et des histoires sentimentales. Mais ce ne sont pas ces lectures à l’eau de rose qui pousseront la jeune femme à rester une demi-douzaine d’années dans cette maison emblématique née en 1949, mais sa rencontre avec Catherine Lucet qui la dirige en France. Diplômée de l’École polytechnique et de l’École des mines de Paris, elle jouera un rôle de mentor pour Christel Hennion. «Elle menait sa vie professionnelle tambour battant», se souvient-elle.
Christel Hennion va se plonger dans le marketing opérationnel, y apprendre les recettes du marketing direct, ancêtre du CRM. «Moi qui n’étais pas scientifique, j’ai commencé à m’intéresser aux chiffres, aux bases de données clients, aux ratios. Les romans d’Harlequin, c’était du divertissement mais il y avait un lien avec la littérature, des écrits à faire traduire. J’y ai appris ce métier de la relation directe avec les clientes, en majorité des femmes». Elle rejoint ensuite les Éditions Atlas au poste de digital manager. Car entre temps il y a eu les débuts de l’internet (accessible alors par modem), qu’elle découvre en 1997 alors qu’elle est contrainte de s’aliter à cause d’une grossesse un peu compliquée. «J’ai tout de suite senti le potentiel d’internet en matière de personnalisation. C’est un moment pivot». Ses douze mois chez Atlas vont alors être «l’une des plus importantes périodes de sa vie». Ils sont une trentaine recrutés en même moment, venus d’horizons divers, avec des profils de marketers, de développeurs, de responsables des achats, à se retrouver ensemble au sein de ce qui ressemble alors à un incubateur pour créer des sites web, les tester, stopper ceux qui ne fonctionnent pas. «C’était une aventure humaine très forte. Tout était à inventer. On découvrait l’ e-commerce. On passait des nuits à faire de l’UX sans outil, juste avec du bon sens». Son mentor s’appelle alors Antoine Coubray qui dirigera les Éditions Atlas jusqu’en 2007. La bulle internet qui éclate et dont l’apogée a eu lieu en 2000 mettra fin à cette belle aventure collective «fauchée de plein fouet» mais la plupart des participants continueront de se voir. «J’y ai surtout appris beaucoup. Nous avons pratiqué la méthode Agile sans le savoir. Cette expérience m’a construite pour l’avenir ».
Un avenir tout tracé puisque Christel Hennion intègre ensuite le groupe Yves Rocher «pour compléter sa formation en CRM et faire du digital». Elle y restera 17 ans, grimpera tous les échelons, travaillera pour les différentes marques du groupe dont Daniel Jouvence mais surtout pour Petit Bateau, marque pour laquelle elle occupera le poste de VP marketing et digital avant de la quitter. «C’est une belle entreprise où il y a beaucoup de femmes et où les portes sont ouvertes pour celles qui s’engagent. Je devais convaincre Bris Rocher et Stéphane Bianchi (ex directeur général, ndlr) qu’on allait gagner de l’argent avec le digital et mon poste avait aussi une dimension internationale. J’ai changé plusieurs fois de fonctions et j’ai eu la chance de mener ma dernière expérience au sein du groupe chez Petit Bateau. Mon mentor s’appelait alors Patrick Pergament (dirigeant de 2010 à début 2020, ndlr). Il m’a fait confiance du début à la fin. Il a fallu prendre parfois des décisions difficiles pour réaliser cette transformation digitale, embarquer l’équipe qui est restée très soudée et faire passer le chiffre d’affaires e-commerce de 4% environ à mon arrivée à 22%. Nous avons réussi en passant les quatre grandes phases de la transformation, en étant transparent, en facilitant les échanges entre le retail, le digital, la communication», raconte Christel Hennion qui s’est tout de même appuyée sur le cabinet de conseil spécialisé dans la transformation digitale et le développement de logiciels Octo Technology (groupe Accenture) pour déployer aussi une méthode Agile avec une équipe pluridisciplinaire. «J’ai ensuite rejoint L’Occitane pour des fonctions e-commerce, communication digitale et CRM pour l’Europe et des missions transversales pour le monde. C’était très intéressant de travailler sur plusieurs pays en particulier les États-Unis mais surtout le Japon comme chez Petit Bateau. Il fallait cette fois remporter l’adhésion des patrons de pays en matière de nouveaux outils».
Il y a quelques mois, Christel Hennion a quitté ce poste pour revenir à ses premières amours. Sollicitée pour prendre la direction générale de Captain Tortue, spécialiste européen de la mode en vente à domicile depuis plus de 25 ans, elle a désormais comme mission de digitaliser cette entreprise et faire croitre son chiffre d’affaires (environ 70 millions d’euros) à l’international. «Il y a beaucoup à faire mais nos conseillères indépendantes (elles sont 5000 en Europe, ndlr) réclament cette digitalisation pour aller chercher de nouvelles clientes via les réseaux sociaux notamment». Basée à Aix-en-Provence, dans le pays «de Giono et de Daudet», une région dont elle était déjà amoureuse, elle anime une équipe de 120 personnes environ avec laquelle elle partage son expérience et son expertise. «Je suis en lien quotidien avec mes équipes. Mon bureau reste toujours ouvert. Je ne suis pas «jupitérienne»».
Christel Hennion donne aussi un peu de son temps comme administratrice indépendante de la Fondation Action Enfance qui accueille, dans ses Villages et dans des foyers des fratries en difficulté. «J’ai reçu et je donne», confie la dirigeante qui aime aussi pratiquer le surf en hiver sur la côte landaise, visiter et explorer les territoires et les pays lorsqu’elle est en vacances avec sa famille et ses amis qui l’ont surnommée «le guide Vert» pour ses conseils, sa curiosité, son accompagnement. Enfin, Christel Hennion qui n’a pas non plus oublié ses premières amours est également passionnée par la peinture du début du siècle passé et envisage de rédiger une thèse «liée à l’histoire politique du début du siècle»… dès qu’elle aura un peu de temps pour s’y consacrer.
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