Plus de la moitié des startups et des grands groupes ont vu leurs projets de collaboration mis en pause pendant la crise sanitaire. Plus globalement, leur relation évolue vers un modèle de co-construction dans lequel les startups, véritables partenaires, vendent plus rapidement aux grands groupes.
Ces quelques enseignements sont issus du Baromètre 2020 de la relation entre les start-up et les grands groupes, édité pour la quatrième année consécutive par Le Village by CA en partenariat avec Capgemini. Cette analyse s’appuie sur les réponses de 109 personnes appartenant à 36 grands groupes et 73 startups et repose sur quatre indicateurs principaux que sont la rapidité, la simplicité, la bienveillance et la création de valeur. L’enquête 2020, réalisée du 12 mars au 10 mai 2020, intègre un focus sur le Covid-19 ainsi qu’un nouveau thème : les risques et appréhensions liés à la collaboration entre startups et grands groupes. Sur ce point, outre la mise en stand-by de projets de collaboration, le second impact ressenti par les grands groupes a été le recentrage de leur activité sur leur cœur de métier (29%), débouchant sur une baisse de la prospection et des échanges avec les start-up (18%).
« Sur le court terme, l’ensemble des acteurs de la chaîne de l’innovation se focalisent sur leurs priorités immédiates : la continuité de l’activité et du service pour les grands groupes et les opportunités business et la trésorerie pour les startups. Sur un plus long terme, la réduction des échanges avec les startups et de la prospection pourrait retarder la mise en œuvre des futurs projets. Or, écarter l’innovation des priorités d’un groupe, peut constituer une erreur stratégique », souligne Seddik Jamaï, directeur du secteur Fintech chez Capgemini Invent.
Différences de perception sur l’importance des projets de collaboration
Plus globalement, 75% des grands groupes citent l’innovation en matière d’expérience client comme prioritaire pour la collaboration avec les startups, alors que pour 82% d’entre elles c’est l’augmentation du chiffre d’affaires qui prime. La rapidité du passage à l’échelle et à l’industrialisation des solutions représente le plus fort enjeu dans la collaboration : une majorité de startups (96%) et les trois quarts des grands groupes (75%) trouvent ces délais, entre prise de contact et prise de décision, trop longs. Ce sentiment est en hausse de 11% pour les jeunes pousses par rapport à 2019, et 25% de plus qu’en 2018, alors que les grands groupes ne sont que 56% à le penser, soit 4% de moins que l’année précédente et 11% de moins qu’en 2018. « Cet effet ciseau semble indiquer à la fois une différence de la perception des “délais acceptables” voire une différence de la perception de l’importance des projets de collaboration : ce qui est probablement vitale pour les startups et parfois un axe d’exploration, d’innovation ou de communication pour les grands groupes », estiment les auteur du baromètre. La perception concernant les délais de paiement est pour sa part en voie d’amélioration des deux côtés, mais plusieurs grands groupes, par engagement sociétal, ont aussi accéléré en 2020 les paiements de leurs prestataires pendant la crise.
La nécessité d’instaurer une charte de bonnes pratiques
Point positif, la confidentialité reste bien respectée de part et d’autre : 79% des startups considèrent que la confidentialité est bien respectée (même chiffre qu’en 2018) contre 89% des grands groupes (93% en 2019). Par contre, la compréhension des objectifs de collaboration affiche une baisse continue depuis 2018 (67% aujourd’hui contre 71% en 2018), ainsi que la facilité de communication (58% en 2020 contre 78% en 2018). A contrario, les grands groupes perçoivent tous les ans plus clairement ces objectifs et la communication est ressentie comme de plus en plus facile. « Ce décalage traduit un vrai problème de communication entre les acteurs voire un déficit de transparence dans les relations », notent les auteurs qui préconisent d’instaurer une charte pour poser des standards de collaboration et des « bonnes pratiques ».
Autre grand décalage, l’étude montre qu’en 2020, 48% des startups seulement trouvent les conditions contractuelles adaptées contre 61% des grands groupes. Par ailleurs, seules 34% des startups et 58% des grands groupes trouvent suffisantes et adéquates les équipes mobilisées par l’autre partie. « Ce ressenti est logique de la part des startups pour qui la relation est critique. Il est possible d’autre part que les grands groupes mesurent mal le manque de moyens et de ressources humaines de ces jeunes entreprises ». La principale crainte des startups (pour 74% d’entre elles) est un déséquilibre important entre le temps et les efforts fournis par rapport aux bénéfices potentiels.
Le POC (Proof of concept) n’est plus au centre de la relation : il prend du temps aux startups et leur rapporte peu de bénéfices. Parallèlement, la moitié (53%) des grands groupes craignent l’incapacité des startups à passer à l’échelle par manque de compétences ou de moyens. Un quart d’entre eux (25%) se prononce sur la crainte d’un décalage entre promesses et réalité. Enfin, la crainte du choc culturel est plus marquée au sein des grands groupes (17%) que chez les startups (4%). Les grands groupes sont aussi plus intéressés par la notion d’exclusivité que les jeunes pousses qui seraient même soulagées que cette notion ne soit plus abordée car il s’agit d’un point bloquant dans la contractualisation.
L’augmentation du chiffre d’affaires reste l’enjeu clé
Enfin sur l’indicateur création de valeur, les grands groupes estiment à 75% qu’elle repose sur l’innovation en matière d’expérience client, puis viennent le test d’une solution innovante, l’accès à des compétences externes et la réalisation d’un Proof Of Concept (42% contre 55% l’année dernière). « Disposer pour leurs clients d’une expérience innovante traduit le besoin des grands groupes de continuer à les attirer et les fidéliser. Par ailleurs, le gain en termes d’image de marque n’est plus un objectif prioritaire pour les grands groupes. Le règne du POC dans l’objectif d’améliorer son image a-t-il connu son apogée ? », interrogent les auteurs.
Pour les startups, l’augmentation du chiffre d’affaires reste l’enjeu clé. Pour les toutes jeunes pousses de moins de six mois, cela constitue le critère absolu : le ratio monte en effet à 100% pour ces dernières. Les startups plus matures ont compris qu’il faut se concentrer sur le chiffre d’affaires dès le début. De fait, elles ont gagné en confiance et n’hésitent pas à aller voir des grands groupes pour gagner des contrats. Pour les jeunes pousses de plus de six mois, le test de leur produit arrive en seconde position sur leur échelle de création de valeur. Viennent ensuite les références et l’augmentation de la visibilité. « C’est un autre signe de maturité de leur part. On assiste à un rééquilibrage de ce que recherchent les startups auprès des grands groupes en fonction de leur ancienneté ».
« Point positif, les priorités se sont déplacées pour les deux types de répondants. Aujourd’hui le choc des cultures, ou l’innovation en tant que telle, ne constituent plus des freins essentiels de la collaboration. Le simple POC rémunéré se voit remplacer par la réalisation de solutions industrialisées et à l’échelle impliquant des relations plus complexes. De même, la relation a évolué vers un modèle de co-construction dans lequel les startups, véritables partenaires, vendent plus rapidement aux grands groupes, répondant ainsi à leur priorité de chiffre d’affaire, et font évoluer leur produit ou solution à la faveur de cette collaboration ».
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