L’automatisation en magasin pourrait-elle faire revenir les clients ? C’est ce que suggère une vaste étude de Capgemini Research Institute.
Intitulée « Smart Stores – Rebooting the retail store through in-store automation », l’étude a été menée en octobre et novembre dernier par Capgemini Research Institute auprès de 5 110 consommateurs en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et 500 dirigeants répartis à travers le monde. Ce rapport d’une trentaine de pages, explore quatre thèmes clés : pourquoi l’automatisation dans les magasins de détail attire les consommateurs et quelles sont les technologies avec lesquelles ils sont les plus à l’aise ? Quels avantages les entreprises tirent-elles de l’automatisation ? Pourquoi cette automatisation dépend-elle de la confiance des clients ?
Créer une expérience client positive
Selon cette étude, ces technologies devenues matures apportent aujourd’hui un véritable avantage concurrentiel aux enseignes et les consommateurs y réagissent positivement, à condition toutefois qu’elles créent une expérience client positive et qu’elles ne se contentent pas de générer des économies pour les enseignes. La plupart des consommateurs estiment que l’automatisation peut constituer une solution aux problèmes rencontrés régulièrement en magasin, tels que les longues files d’attente aux caisses (66%), la difficulté à localiser les produits (60%) ou encore les ruptures de stock (56%). La majorité (59%) de ceux qui ont déjà visité des magasins équipés de technologies d’automatisation affirment être prêts à délaisser les autres au profit de ces derniers. Ce pourcentage grimpe à 68% chez les 22-36 ans. Les technologies jouent aussi un rôle majeur pour ramener en boutique les clients plutôt adeptes de l’ e-commerce. Les 46% qui ont vécu une expérience positive grâce à cette automatisation des magasins seraient prêts à y rebasculer entre 20% et 25% de leurs achats effectués aujourd’hui online. Ce pourcentage monte à 55% pour les consommateurs urbains, à 58% pour la génération Y, et augmente nettement chez les consommateurs indiens (79%) et chinois (85%). Les avantages apportés par l’automatisation pourraient également stimuler les ventes omnicanales des détaillants. 60% des consommateurs sont disposés à acheter davantage (22% de plus par mois) sur le Web auprès d’enseignes qui acceptent les retours en magasin des commandes passées en ligne au moyen des technologies d’automatisation.
Des ventes en augmentation
Par ailleurs, les responsables de magasin notent une hausse de 10% du temps passé par les clients dans leurs surfaces de vente automatisées, et 11% constatent des ventes supérieures à celles qui sont réalisées dans les magasins non ou faiblement automatisés. Plusieurs dirigeants ont apporté leurs témoignages à ce rapport dont Kristian Bjørseth, head of payments and IDs chez Coop Norvège : « Auparavant, nos magasins fermaient à 23 h ; de ce fait, ils ne pouvaient accueillir les personnes qui rentrent tard chez elles, souvent à la recherche de solutions rapides pour dîner. Nous avons donc lancé Coop Key, une application qui permet aux consommateurs d’accéder à un magasin sans personnel, après les heures normales d’ouverture, pour se servir eux-mêmes. Nous enregistrons aujourd’hui un chiffre d’affaires conséquent entre 23 h et minuit, ainsi qu’une progression des ventes de produits à marge élevée tels que les pizzas surgelées. La sécurité et la vérification de l’âge sont assurées par une technologie biométrique intégrée à l’application qui identifie chaque client individuellement », explique le dirigeant. Chez Waiterose, les caisses en libre-service représentent 40% des transactions en magasin et Matt Clifton, responsable du changement et du développement de la vente au détail, qui s’était fixé cet objectif au départ sans vraiment y croire, s’attend à ce qu’elles augmentent encore. MediaMarktSaturn a pour sa part constaté que les consommateurs réagissaient positivement au self-checkout sur mobile, un service initialement mis en place dans deux magasins à Innsbruck et Munich.
Réduire le gaspillage
Les trois quarts (75%) des détaillants interrogés dans cette étude estiment par ailleurs que l’automatisation peut les aider à proposer des solutions plus durables et plus respectueuses de l’environnement qui correspondent aux attentes des consommateurs. Ces derniers indiquent préférer faire leurs courses auprès de détaillants qui utilisent l’automatisation pour réduire le gaspillage alimentaire (69%), limiter l’utilisation de consommables tels que les tickets de caisse imprimés (63%), améliorer l’efficacité énergétique (58%) et fournir des informations de durabilité concernant les produits (52%). Le rapport met en exergue l’exemple du néerlandais Ahold Delhaize qui déploie dans ses magasins des étiquettes électroniques qui affichent des informations sur les produits et permettent des changements de prix automatiques dans les rayons, comme des réductions pour les produits approchant de la date de péremption, ou celui de la chaine de supermarchés Albert Heijn qui utilise la technologie de la start-up Wasteless, basée au Royaume-Uni, pour modifier dynamiquement les prix des aliments en fonction de leurs dates de péremption. Autre exemple : celui d’Ikea qui a placé des » bacs intelligents » équipés de capteurs et de caméras et qui ont permis de réduire le gaspillage de nourriture de 26% l’année suivante en identifiant et en reconnaissant les aliments les plus jetés. Grâce à la vision par caméra dans les rayons et les réfrigérateurs, Shufersal, un supermarché basé en Israël, a pour sa part réduit le temps de réapprovisionnement des produits de 45 heures à 30 minutes.
Des inquiétudes des clients sous-estimées
Mais si la plupart des consommateurs estiment que l’automatisation peut résoudre les problèmes auxquels ils sont régulièrement confrontés en magasin, leur opinion varie selon les pays. 43% des personnes utilisant des caisses libre service ont l’impression d’être des « assistants pour la vente non rémunérés ». Ce chiffre grimpe jusqu’à 61% en Inde. L’étude révèle aussi que les enseignes sous-estiment les inquiétudes des clients face à certaines technologies. 59% des consommateurs affirment vouloir ainsi éviter les magasins qui ont recours à la reconnaissance faciale pour les identifier (53% au Royaume-Uni, 60% aux États-Unis et aux Pays-Bas, 66% en Allemagne et 67% en Inde) mais seulement 23% des détaillants ont conscience de cette réticence. C’est en France que ces contrastes sont les plus marqués : dans l’Hexagone, seuls 4% des détaillants pensent que les consommateurs éviteraient les magasins qui utilisent la reconnaissance faciale, tandis que 62% des consommateurs l’affirment.
L’opinion des détaillants sur la nécessité d’automatiser les magasins diverge également d’un pays à l’autre. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, au moins la moitié (54% et 50% respectivement) des détaillants déclarent que leur direction considère l’automatisation comme un impératif stratégique, contre seulement 14% en France. La moyenne globale se situe à 40% et ce, notent les auteurs du rapport, « alors que les détaillants du monde entier sont confrontés à l’assaut des acteurs du commerce électronique tels qu’Amazon et Alibaba, que des enseignes traditionnelles telles que Walmart se battent en numérisant et en automatisant leurs magasins physiques ».
Répondre aux besoins et des préoccupations des clients à l’échelle locale
Près de 21% des magasins sont aujourd’hui automatisés pour la gestion de leurs sites ou le traitement des commandes. Ce pourcentage devrait atteindre 36% d’ici 2022. Le rapport souligne cependant la nécessité pour eux de se montrer rigoureux dans la compréhension des besoins et des préoccupations des clients à l’échelle locale. Pour étendre l’automatisation en magasin, les enseignes devront rassurer les consommateurs sur la confidentialité de leurs données, rendre l’automatisation disponible sans oublier d’y adjoindre une « touche humaine ». La moitié des consommateurs sont sceptiques quant à l’automatisation s’il n’y a pas d’employés pour les aider. Chez les 18-21 ans, ils sont 44 % à le déclarer et ce pourcentage passe à 62 % chez les 72 ans et plus. En outre, 63 % pensent que les distributeurs mettent en œuvre des technologies d’automatisation pour réduire les coûts plutôt que pour les aider à résoudre leurs problèmes d’achat en magasin.
« L’automatisation représente pour les détaillants une formidable opportunité de regagner un peu du terrain qu’ils ont perdu face à la concurrence du Web et de préserver leurs parts de marché actuelles en affichant de meilleurs résultats en termes d’efficacité, de commodité et de durabilité. Faire les bons choix d’investissement et reconnaître ainsi la nécessité de procéder à une série de déploiements pourrait débloquer un potentiel significatif tant pour les fonctions opérationnelles que pour le contact avec la clientèle. Même dans notre monde qui est centré sur la technologie, il est rare de trouver une opportunité d’investissement au potentiel aussi large », estime Tim Bridges, à la tête du secteur Biens de consommation & Commerce du groupe Capgemini.
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