Marquée par la poursuite des défaillances initiées en 2022, l’année 2023 aura soufflé le chaud et le froid pour l’activité du commerce spécialisé.
Après un début d’année plutôt positif, la situation du commerce spécialisé s’est dégradée de mois en mois jusqu’à un rebond en juin et surtout juillet (+ 9,4 %). Tout s’est ensuite écroulé à la rentrée avec un mois de septembre très mauvais à – 4,2 % selon Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé. La fin de l’année elle-même est qualifiée de «poussive» avec une lente reprise d’activité jusqu’à un mois de décembre légèrement positif à + 1,3 %. «Tout s’est déroulé comme si les Français avaient décidé de se faire plaisir cet été, pris un gros coup au moral et une crise de confiance à la rentrée pour attendre décembre et à nouveau dépenser à la dernière minute avec pour objectif de faire plaisir aux autres et se faire plaisir», observe Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos.
Habillement et chaussure à la peine
La consommation non alimentaire a été très fortement impactée par les conséquences de la forte hausse des prix des produits alimentaires et de première nécessité depuis deux ans (+ 19,5 %). Tous les secteurs sont touchés différemment. Si la beauté-parfumerie connaît une bonne année avec une croissance en magasin de + 7,9 % par rapport à 2022 comme sur Internet selon les derniers chiffres de la Fevad, la chaussure (- 3 %), l’habillement (- 1,1 %) mais également le sport (- 1,5 %) et l’équipement de la maison (- 2,6 %) sont en baisse. «Les enseignes de l’habillement et de la chaussure terminent une nouvelle fois l’année en baisse d’activité. Les évolutions de l’activité des magasins sont inférieures dans ces deux secteurs à celles de la moyenne des autres, à l’exception de juin pour la chaussure, de juillet avec le décalage des soldes et de novembre grâce au Black Friday pour l’habillement. L’écroulement des ventes en septembre, qui a démarré dès le mois d’août, a été très important». Globalement l’année 2023 termine toutefois sur une note positive avec un chiffre d’affaires des magasins du commerce spécialisé à surface égale en hausse de + 3,5 % par rapport à l’activité 2022 . Sur le web, les résultats sont plus dégradés qu’en magasin puisque la croissance des ventes n’est que de
+ 0,5 % en valeur donc des ventes en volume qui baissent de 2 à 3 %. Ces évolutions des ventes web des enseignes omnicanales sont toutefois très légèrement supérieures à celles annoncées par la Fevad à – 1,8 % pour l’ensemble des ventes internet de produits.
Sans surprise, la seconde main, en particulier dans la mode (plus de 50 enseignes ont lancé des initiatives dans leur boutique, ou sur leur site e-commerce) et le discount s’en sortent bien avec des croissances respectivement de + 33 % et de + 21 % auxquels s’ajoutent les biens d’occasion et reconditionnés à + 14 %.
Une année 2024 qui commence mal
L’année 2024 débute quant à elle sous de mauvais augures pour la plus grande partie des acteurs. Le mois de janvier enregistre une baisse de – 1,5 % en moyenne pour le panel des enseignes spécialisées tous secteurs. Les plus concernés pendant cette période de soldes sont ceux de la la chaussure (- 5 %), l’habillement (- 2,6 %), le sport (- 3,6 %) et la maison (- 1,7 %). La beauté fait encore exception avec une croissance d’activité à 7,7 %, tandis que le secteur cadeaux-jouets-culture réalise une assez bonne performance à +3,1% et que le commerce alimentaire spécialisé commence en légère hausse en valeur (+1,3%) mais essentiellement due aux augmentations de prix et sans développement des volumes vendus.
La fréquentation des points de vente suit la même tendance avec une baisse moyenne de – 4,6 % dans les magasins du commerce spécialisé pendant cette période de soldes. Elle atteint même – 7,2 % dans l’habillement et – 5,7 % dans l’équipement de la maison confronté aux fortes difficultés du marché du logement.
2024 devrait être «une année de transition» selon Procos. La réduction de la hausse des prix alimentaires devrait permettre de consommer davantage mais «le délai nécessaire à un vrai retour de la confiance n’est pas connu et les résultats décevants de janvier ne donnent pas de signal positif pour le moment». Si une reprise de la consommation est pronostiquée, certains facteurs continueront de produire leurs effets sur plusieurs secteurs. La fédération cite les tensions sur les marchés du logement, la baisse de la natalité, d’éventuels mouvements sociaux… Par ailleurs, certains facteurs exogènes tels que les élections européennes ou une inversion de la courbe du chômage pourraient repousser cette reprise de la confiance. «L’augmentation de la consommation des ménages est impérative pour l’économie française qui souffrira de la baisse des investissements en 2024. Mais celle-ci profitera-t-elle à la vente de biens ou aux seuls services ou loisirs ? Il faudra également tenir compte de la part croissance de la seconde main dont l’impact est très mal mesuré puisqu’en grande partie relevant du marché direct entre consommateurs (CtoC), non mesuré par l’Insee par exemple», note Procos ajoutant que «les coûts d’exploitation des enseignes restent élevés avec une énergie durablement chère, des salaires plus élevés et des coûts de transport et de frets toujours en risque notamment en Mer Rouge au même titre que les risques de retard sur les approvisionnements».
Les loyers devraient continuer à peser lourd sur les comptes d’exploitation des magasins des enseignes. «Cette hausse entre 11,5 et 13 % est déconnectée de l’activité de la grande majorité des commerçants. Aucune mesure n’a été prise en faveur des enseignes sur l’indexation des loyers avec les conséquences que l’on connaît et qui ne sont pas terminées sur les risques de fermetures de points de vente», regrette Emmanuel Le Roch.
Les projets de grands centres commerciaux chutent
L’immobilier commercial entre quant à lui dans une nouvelle ère avec une remise en cause des modèles historiques. Sur l’année 2023, les projets ont continué de décroitre avec aussi des projets plus petits ou plus morcelés. Le volume des surfaces commerciales autorisées par les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) a chuté en 2023 avec à peine 720 000 m² autorisés. Ce volume correspond à la moitié (55%) de son niveau de 2019 et un petit quart (22 %) de son niveau de 2011. «Le stock de projets à cinq ans établi par Procos poursuit sa décrue pour atteindre un nouveau plancher de 2 millions de m². Ce volume représente à peine la moitié du niveau enregistré en 2011, et le plus bas niveau observé depuis la création en 2002 de l’Observatoire de la fédération». Selon Sami Kitar, responsable du bureau d’études de Procos, «confrontés à la crise et de moins en moins tolérés par les corps sociaux et politiques, les très grands projets commerciaux disparaissent au profit de projets moins nombreux, plus petits, plus mixtes ou mieux insérés dans l’urbain».
Les JO attendus mais avec inquiétude
L’organisation a fait plusieurs propositions pour les prochains mois (remboursement des PGE par un étalement généralisable à toute taille d’enseignes, nouveau modèle de calcul pour les loyers en phase avec le commerce, plus de protection contre des acteurs tels que Shein et Temu par le respect strict des règles, un programme d’aides aux financements pour la décarbonation et d’autres propositions…) et elle espère que les prochains Jeux Olympiques et Paralympiques seront une fête pour les commerçants. Mais à cinq mois des Jeux, les commerçants s’inquiètent d’un manque de visibilité et de l’instauration de règles complexes. « L’ouverture du dimanche à Paris ne serait possible que dans quinze arrondissements sur vingt et pour certains secteurs seulement. C’est trop complexe et trop rigide. Procos demande que tous les commerçants parisiens qui le souhaiteront, quel que soit leur secteur d’activité puissent ouvrir le dimanche entre le 15 juin et le 15 septembre; la seule manière d’être lisibles pour les commerçants, les touristes et les consommateurs», estime Emmanuel Le Roch.
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